Cailles en batterie : une sombre réalité

Dans le précédent numéro de cette revue, nous avons informé les lecteurs à propos de l’élevage de lapins, où les cages sont omniprésentes. À la grande méconnaissance du public, une autre filière encage des animaux pour récolter leurs œufs : il s’agit de la coturniculture, ou l’élevage de caille. Les cailles élevées pour la viande ne sont pas réellement mieux loties que leurs congénères pondeuses : sur le même principe que les poulets de chair, elles sont nombreuses à être entassées au sol dans des bâtiments fermés.

Production et consommation

En Europe, pas moins de 143 millions de cailles sont élevées pour leurs œufs et leur viande chaque année. En France, en 2015, la production totale équivalait à plus de 51 millions de cailles. La France est le deuxième pays producteur dans l’Union européenne, derrière l’Italie et devant le Portugal. En 2010, le chiffre d’affaires de la filière française s’élevait à plus de 76 millions d’euros, mais la filière reste minuscule comparée aux autres filières de productions animales (1).

Les cailles et leurs œufs sont associés au luxe et aux repas festifs. Le secteur réalise une part importante de son chiffre d’affaires au moment des fêtes de fin d’année. Chaque Français consomme en moyenne deux cailles par an (2).

Absence de législation spécifique

Au sein de l’Union européenne, l’élevage de certaines espèces est réglementé de manière spécifique : c’est le cas du poulet ou du porc par exemple, qui dispose chacune d’une directive propre. Ce n’est pas le cas pour d’autres espèces, dont les cailles. La législation en vigueur provient de la directive 98/58/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages, qui est très imprécise et laisse donc la porte ouverte à de nombreuses pratiques incompatibles avec le bien-être des animaux. La législation française sur l’élevage n’est pas plus ambitieuse en ce qui concerne ces oiseaux.

L’impact des conditions d’élevage sur le bien-être des cailles

En Europe, les cailles élevées pour la production d’œufs sont principalement confinées dans des cages. Elles y sont très nombreuses (jusqu’à 80), disposant chacune d’un espace extrêmement restreint, de la taille d’un CD. Les risques d’agression, tel que le piquage et le cannibalisme, sont accrus à cause du confinement (3). De plus, les cailles vivent dans la nature cachées dans les fourrés. Lorsqu’elles ont peur, leur instinct les pousse à s’envoler très rapidement. En cage, elles se cognent la tête, ce qui est source de blessures (4). Cette forme d’élevage empêche également les cailles d’effectuer des bains de poussière, qui constitue un comportement naturel très important chez elles. Il n’est pas rare que des cailles tentent d’effectuer ce comportement sans la matière nécessaire (4), ce qui provoque de la frustration.

De nombreuses cailles, notamment lorsqu’elles sont élevées pour leur chair, sont amassées au sol dans des bâtiments fermés, où la densité est telle que la surface disponible par oiseaux équivaut à la surface d’un sous-verre. Les atteintes au bien-être, comme le piquage, le cannibalisme, des dommages aux plumes, sont aussi très présents (3). L’élevage au sol représente environ 90 % des élevages français (1).

Les cailles pondeuses sont réformées, c’est-à-dire envoyées à l’abattoir, à l’âge de 5 mois environ, car leur production d’œufs commence à baisser (3). Les cailles élevées pour leur chair atteignent leur poids d’abattage très rapidement : à peine 5 semaines de vie. Pourtant, les cailles vivent environ 4 ans, voire plus (3). Les mâles, inutiles pour la production d’œufs, sont éliminés à la naissance ou à la mise en cage (1).

Des alternatives existent

Le Label Rouge possède un cahier des charges pour l’élevage de caille, dont les normes en matière de bien-être sont supérieures aux normes standards. Les souches utilisées sont des souches à croissance lente, ce qui permet aux cailles de vivre plus longtemps et évitent des problèmes de santé liés à une croissance trop rapide. La taille des élevages est limitée ; les bâtiments doivent être clairs et disposer de lumière naturelle. Les cages sont interdites : les cailles doivent être élevées au sol sur une litière et la densité ne peut pas dépasser 62,5 cailles ou 25 kg par mètre carré. Au plus tard 30 jours après leur naissance, les cailles doivent avoir accès à un parcours en extérieur sous volière d’une hauteur minimum de 2 mètres. Sur le plan éthique, les oiseaux vivent un peu plus longtemps : l’abattage survient au 42e jour, au lieu du 35e en moyenne en élevage standard.

En finir avec l’élevage en cage

L’élevage des cailles, en cage ou au sol, se fait au détriment du bien-être de ces oiseaux. Afin d’améliorer les conditions de vie de nombreuses cailles, il y a la possibilité de contribuer à mettre un terme à l’élevage en cage de ces oiseaux en signant l’initiative citoyenne européenne (ICE) pour une ère sans cage lancée par Compassion In World Farming en septembre 2018 et dont la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences est partenaire. Cette ICE pour une ère sans cage vise à obliger la Commission européenne à prendre des dispositions pour interdire l’élevage en cage des animaux dans l’Union européenne (UE). Pour cela, nous devons absolument récolter plus d’un million de signatures provenant de 7 pays européens différents, en respectant un nombre minimal de signatures par pays, avant la fin du mois de septembre 2019. À ce stade, les 150 ONG qui participent à cette campagne ont récolté plus de 656 500 signatures, et le nombre minimal de signatures est atteint dans 8 pays de l’UE. C’est une excellente nouvelle !

En France, nous avons atteint 38 145 signatures. Nous pouvons faire mieux ! Pour mobiliser le public, une semaine d’action autour de cette ICE sera organisée en mai. Pour signer la pétition en ligne, nous vous invitons à suivre ce lien : www.fondationlfda.endthecageage.org. Vous pouvez également nous contacter pour que nous vous envoyions un formulaire papier. Attention : votre numéro de passeport ou de carte d’identité est obligatoire pour que votre signature soit valide ;ces données ne seront pas utilisées et seront détruites par la Commission européenne dans un délai de 6 mois après la validation des signatures.

En signant cette pétition et en préférant des produits issus d’élevages respectueux du bien-être des animaux, vous avez la possibilité de changer les conditions de vie de nombreuses cailles et autres animaux. Merci pour eux !

Nikita Bachelard

1. Ellies, M.-P., Les filières animales françaises – caractéristiques, enjeux, perspectives, Lavoisier, 2014, 75 pages, pp. 307-321.

2. Raveneau, A., Inventaire des animaux domestiques en France : bestiaux, volailles, animaux domestiques et de rapport, Nathan, Paris, 2004, 383 pages, pp. 358-359.

3. Cheng K. M., Bennett D. C. & Mills A. D. The Japanese Quail. In: Hubrecht, R. C. & Kirkwood J. (ed.). The UFAW handbook on the care and management of laboratory and other research animals. John Wiley & Sons, 2010.

4. Schmid, I. & Wechsler, B. Behaviour of Japanese quail (Coturnix japonica) kept in semi-natural aviaries. Applied Animal Behaviour Science, 1997, vol. 55, no 1-2, p. 103-112.

Article publié dans le numéro 101 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences 

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