L’étiquetage bien-être animal fait son chemin jusqu’à l’Europe

Après avoir présenté sa stratégie « De la ferme à la table », avec un volet sur le bien-être animal, la Commission européenne a annoncé vouloir examiner la possibilité de mettre en place un système d’étiquetage du bien-être animal dans toute l’Europe. Elle a donc lancé des travaux à cette fin.

Étiquetage bien-être animal

En 2017, la LFDA a démarré des travaux pour développer un étiquetage bien-être animal, avec ses partenaires initiaux CIWF France, l’Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs et le groupe Casino. Il a été lancé sur des produits issus de la filière poulet fin 2018. Allant de A, niveau maximal garantissant le bien-être de l’animal, à E, niveau minimal ne permettant pas le bien-être, l’étiquette a pour but d’éclairer le consommateur sur le niveau de bien-être du poulet dont provient l’aile ou la cuisse. Les partenaires d’origine ont depuis été rejoints par des producteurs et des distributeurs, ainsi que l’association Welfarm. L’étiquetage continue de se développer pour concerner un nombre croissant de produits et de points de vente. En parallèle, le sujet intéresse l’Union européenne (UE), qui a déjà rendu l’étiquetage du mode d’élevage des poules pondeuses sur les œufs coquilles obligatoire depuis près de 23 ans. Un étiquetage européen du bien-être animal pourrait voir le jour dans les prochaines années.

L’Étiquette bien-être animal poursuit son déploiement

Les produits étiquetés

L‘Étiquette bien-être animal est affichée aussi bien sur des produits de marques nationales (Fermiers de Loué, Fermiers du Gers, Nouvelle Agriculture, etc.) que sur des filets ou poulets entiers de marques de distributeurs. Sept parmi les dix principales enseignes de distribution sont en effet transparentes sur plusieurs de leur gamme : les magasins Géant Casino, Franprix, Monoprix, Carrefour, magasins U, Intermarché et Lidl. Dans plusieurs de ces magasins, les consommateurs ont le choix entre des produits de niveaux A, B ou C.

Un premier bilan par les chiffres

Selon l’Association étiquette bien-être animal (AEBEA), qui gère l’étiquetage et dont la LFDA est membre au même titre que ses partenaires, l’étiquette est désormais présente dans les rayons sur plus de 30 gammes de poulets.

Les enseignes de distribution qui vendent des produits étiquetés représentent 60 % de la distribution française. L’AEBEA comprend aussi les sept principaux producteurs de volailles français, que sont Fermiers du Sud-Ouest, Fermiers de Loué, Galliance, groupe Arrivée, Fermiers de Janzé, Fermiers de l’Orléanais et le groupe Michel.

Quant aux poulets concernés, on compte désormais 10 % de la production française, soit plus de 80 millions de poulets par an, dont 50 % des productions en plein air. Cela représente 3000 éleveurs audités, soit près d’un éleveur sur trois en France.

Les travaux en cours

L’Association étiquette bien-être animal travaille à l’élaboration d’un référentiel pour le porc, en association avec le Laboratoire d’innovation territorial Ouest Terre d’élevage (Lit Ouesterel) et l’Inrae. À ce titre, l’association s’est encore agrandie pour intégrer Herta et Fleury-Michon, ainsi que la Cooperl, première coopérative porcine française. Les travaux sont en bonne voie. Les premiers produits du porcs étiquetés devraient être disponibles en rayons d’ici la fin de l’année 2022. Comme pour les poulets, l’étiquetage portera sur toutes les étapes de la vie du porc (naissance, engraissement, transport et abattage) et les élevages seront audités par un organisme qualifié et indépendant. D’autres espèces sont à l’étude pour poursuivre le déploiement de l’Étiquette bien-être animal.

L’UE envisage un étiquetage bien-être animal européen

En mai 2020, la Commission européenne fraichement renouvelée a présenté sa stratégie « De la ferme à la table » pour l’agriculture dans les prochaines années, avec un volet sur le bien-être animal. Elle a notamment annoncé vouloir examiner la possibilité de mettre en place un système d’étiquetage du bien-être animal dans toute l’Europe. Elle a donc lancé des travaux à cette fin.

Les conclusions de la plateforme européenne sur le bien-être animal

La plateforme européenne sur le bien-être animal, pilotée par la Commission européenne et constituée de parties prenantes variées, a établi un groupe de travail sur l’étiquetage du bien-être animal. Il a rendu ses conclusions en juin 2021. Il en ressort plusieurs éléments :

  • Un étiquetage du bien-être animal harmonisé à l’échelle de l’UE permettrait de répondre à la demande des consommateurs pour plus de transparence et d’information à l’égard du traitement des animaux d’élevage.
  • Un tel étiquetage devrait comprendre des critères sur l’ensemble du cycle de production (de la naissance à l’abattage) et s’intéresser également aux animaux reproducteurs.
  • Il devrait couvrir tous les produits d’origine animale, quelle que soit l’espèce et la catégorie de produits (frais, transformés, restauration, etc.).
  • Tout en reconnaissant ses faiblesses, le caractère volontaire du système d’étiquetage est privilégié tant qu’il n’y a pas de consensus pour l’imposer obligatoirement.
  • L’étiquette devrait être composée de plusieurs niveaux.
  • L’étiquetage devrait être basé sur des critères techniques scientifiques et spécifiques à chaque système de production.
  • Le système doit comprendre des moyens pour vérifier la conformité des conditions de vie avec la note attribuée ainsi qu’un système de sanction transparent.
  • Il devrait être facilement identifiable par le consommateur et les critères de bien-être animal ne devraient pas être dilués dans la note dans le cas où d’autres critères sont évalués (climatiques, environnementaux ou sociaux par exemple).
  • Il devrait être construit en concertation avec l’ensemble des parties prenantes concernées, que ce soit les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les ONG, les autorités publiques et les scientifiques.

L’ensemble de ces critères correspond aux modalités de l’Étiquette Bien-Être Animal.

La LFDA souhaiterait, en plus de ces critères, que le système d’étiquetage du bien-être animal européen soit obligatoire.

Le Parlement européen s’intéresse à l’étiquetage

Le Parlement européen s’est aussi penché sur le sujet. Le centre de recherche du Parlement européen a produit un rapport prospectif sur la mise en œuvre d’un étiquetage à l’échelle européenne, en analysant 24 étiquettes existantes et en conduisant des entretiens avec diverses parties prenantes. Le rapport fait globalement ressortir les éléments précédemment cités, à quelques exceptions près. D’après une majorité des parties interrogées, l’étiquetage devrait se concentrer sur le bien-être animal et ne pas intégrer d’autres critères de durabilité. Il ne ressort pas de préférence claire pour un label à un niveau (comme le Label Rouge), ou un étiquetage multi-niveau, comme l’Étiquette bien-être animal. On note que cette dernière fait partie des systèmes d’étiquetage les plus cités par les parties prenantes pour servir de modèle à l’élaboration d’un étiquetage européen.

Le 15 février 2022, le Parlement européen a adopté un « rapport d’exécution relatif au bien-être des animaux sur les exploitations », dont le rapporteur était l’eurodéputé, éleveur et ancien président du syndicat Jeunes agriculteurs Jérémy Decerle. Ce dernier avait interrogé le président de la LFDA et de l’AEBEA Louis Schweitzer, dans le cadre de la rédaction de ce rapport, qui se base aussi sur le rapport du centre de recherche du Parlement. Il ressort du rapport de M. Decerle que le caractère volontaire de l’étiquetage reste privilégié. (Ce rapport sur le bien-être animal et la résolution associée s’intéressent malheureusement très peu au bien-être des animaux et bien plus aux considérations économiques des filières. Il y est même dit : « la production de foie gras repose sur des procédures d’élevage respectueuses des critères de bien-être animal » ! – doit-on rappeler que, quel que soit le mode d’élevage, le gavage des canards se fait en cages pendant deux semaines ? Ou le rapport publié par la Commission européenne en 1998 qui décrit les blessures graves causées aux oiseaux par le gavage ?)

Les consommateurs veulent plus d’informations sur le bien-être animal

La Commission européenne a réalisé une étude sur l’étiquetage du bien-être animal, incluant une enquête d’opinion auprès de plus de 10 000 consommateurs européens. Elle en a tiré une analyse dans un rapport publié en février 2022. Il en ressort globalement qu’un étiquetage européen aurait une réelle valeur ajoutée puisqu’il satisferait une demande des consommateurs pour une information claire sur le bien-être animal.

Les consommateurs connaissent mal les conditions d’élevage des animaux et sont demandeurs de plus d’informations à ce sujet. Il semble que les labels et étiquetages existants ne suffisent pas à satisfaire cette demande. Les consommateurs se disent prêts à payer plus cher pour des produits issus d’élevage respectueux du bien-être animal, dans la limite du prix des produits issus de l’Agriculture biologique. Plus ils s’estiment informés sur les conditions d’élevage des animaux et plus ils sont prêts à payer davantage. Les consommateurs préfèrent un étiquetage multi-niveaux qui s’applique à l’ensemble de produits. Ce système se révèle plus efficace pour encourager les consommateurs à choisir les meilleures options en terme de bien-être animal. Il semble également important d’étiqueter les produits importés mais cela pose une difficulté pour contrôler les élevages hors UE.

L’étude de la Commission soulève aussi une potentielle distorsion de concurrence face à la multiplicité des labels et étiquetages existants. De plus, s’il y a plusieurs étiquettes ou plusieurs thématiques dans une étiquette, il y a un risque potentiel de confusion chez les consommateurs. Il est aussi intéressant de noter que ces derniers ont davantage confiance en les autorités européennes que nationales pour mettre en place un étiquetage fiable.

Enfin, il y a globalement peu d’informations disponibles sur l’impact d’un étiquetage sur l’amélioration de la condition des animaux. L’étude de la Commission estime malgré tout qu’il contribuerait probablement à améliorer certains aspects de la vie des animaux et permettrait, au minimum, grâce aux contrôles, d’améliorer la conformité des élevages avec les normes minimales.

Conclusion

L’Étiquette bien-être animal développée par la LFDA et ses partenaires répond en France à une réelle demande des consommateurs. Si la démarche prend de l’ampleur, des freins persisteront tant que l’étiquetage ne sera pas harmonisé au niveau européen : multiplicité des étiquettes (de plus en plus d’étiquettes informent sur le bien-être animal), produits non-étiquetés pour les niveaux inférieurs (l’étiquetage volontaire résulte en l’étiquetage uniquement des niveaux valorisants)… Les institutions européennes se sont emparées du sujet et l’Étiquette bien-être animal, qui répond à l’ensemble des attentes de la Commission européenne, servira de modèle pour un futur étiquetage, que l’on espère fiable, ambitieux, obligatoire et couvrant tous les produits.

Nikita Bachelard

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