Gros coup de chaud sous l’océan

La canicule n’est pas réservée qu’aux territoires terrestres. Les espaces maritimes, mers et océans, connaissent aussi ce phénomène de chaleur extrême. Ce printemps et cet été, l’océan Atlantique en a fait les frais, de l’Islande jusqu’aux côtes africaines. Ces canicules résultent de multiples facteurs climatiques et météorologiques, à commencer par le réchauffement climatique général. Elles ne sont pas sans conséquences sur les écosystèmes et donc pour l’ensemble de la chaîne alimentaire.

Qu’est-ce qu’une canicule marine ?

Le Giec, groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, a défini le phénomène de canicule marine comme « une période durant laquelle la température de l’eau est anormalement élevée pour la saison, en comparaison avec les normales de températures historiques, et cette chaleur extrême dure de plusieurs jours à plusieurs mois. Le phénomène peut se manifester partout dans l’océan et jusqu’à des milliers de kilomètres en profondeur » [traduction libre*].

En 2013-2014, une importante vague de chaleur avait eu lieu dans le nord-est du Pacifique, appelée le « Blob », avec un pic de température plus de 2,5 °C supérieur aux normales en surface en février 2014. Les recherches dans ce domaine se sont largement intéressées aux eaux de surface. Cependant, les vagues de chaleurs peuvent aussi concerner les eaux profondes. Une étude publiée en 2023 révèle que les canicules marines en eaux profondes peuvent être plus intenses et durer plus longtemps que les canicules marines de surfaces. Les deux coexistent souvent en même temps, mais pas toujours.

Le Giec indique que la fréquence des vagues de chaleurs marines a très probablement doublé depuis 1982 et que ces canicules marines augmentent en intensité. Sans grande surprise, le réchauffement climatique mondial est un facteur important. Les experts du Giec estiment très probable que plus de 8 canicules marines sur 10 survenues entre 2006 et 2015 puissent être attribuées à la hausse des températures d’origine anthropique.

Lire aussi: « Rapport du Giec sur le climat : une fuite qui met le feu » (N° 110)

D’autres facteurs climatiques et météorologiques peuvent contribuer aux vagues de chaleurs océaniques : une modification des courant océaniques, l’absence de vent qui vient mélanger les eaux plus chaudes et les eaux plus froides, une trop faible couverture nuageuse, ou encore, le phénomène climatique El Niño. Il s’agit d’un phénomène qui se produit dans l’océan Pacifique équatorial tous les 3 à 7 ans. Il se caractérise par des eaux tropicales plus chaudes que la normale et une diminution des vents alizés. Ces effets peuvent affecter le climat du monde entier.

L’océan Atlantique en surchauffe

Ce printemps, une canicule marine a pris forme dans l’Atlantique Nord dès le mois d’avril. En mai, des records de températures ont été enregistrés par le service européen de météorologie Copernicus, de l’Islande aux Îles Canaries. Le phénomène s’est emballé au mois de juin et juillet. Localement, la température de l’eau a dépassé de 5° C les normales de températures.

Les causes avancées par les scientifiques pour cette vague de chaleur extrême est la persistance des anticyclones, les nuages n’étant pas là pour réfléchir les rayons du soleil et le vent étant moins présent pour brasser les eaux. Moins de vent dans les régions tropicales signifie aussi moins de sable du Sahara, qui vient habituellement se déposer sur la surface de l’océan et réfléchit les rayons du soleil, qui réchauffent moins l’eau. Si le phénomène El Niño fait son retour cette année, il n’est probablement pas encore à l’origine de cette canicule. Évidemment, le réchauffement climatique reste en toile de fond.

© The European Space Agency

Quelles conséquences pour la faune marine ?

Pour les animaux, l’heure est grave. Dans son rapport de 2019, le Giec mentionnait déjà comme conséquence des vagues de chaleur marines le blanchissement des coraux à grande échelle. Les barrières de corail mettent plus de 15 ans à retrouver leur état normal et les épisodes de canicules marines plus fréquents, intenses, prolongés et étendus, prédits par les scientifiques, vont aggraver la situation. Les espèces animales aquatiques qui en dépendent, comme les éponges et les étoiles de mer, risquent la disparition.

En 2013, le « Blob » avait entrainé la prolifération d’algues toxiques, décimant de nombreux poissons. Affamés, des oiseaux dépendant de ces poissons pour se nourrir avaient péri. D’autres animaux, comme les phoques et les cétacés peuvent également être impactés. Ces canicules marines sont tragiques pour les écosystèmes.

Nikita Bachelard

* “A period during which water temperature is abnormally warm for the time of the year relative to historical temperatures, with that extreme warmth persisting for days to months. The phenomenon can manifest in any place in the ocean and at scales of up to thousands of kilometres.”

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