Chasse à la marmotte : finissons-en !

En 2023, il est encore possible de chasser la marmotte sur le territoire français. Cette « tradition » ancestrale, n’a, en effet, jamais été interdite, si bien qu’un millier de ces petits mammifères de montagne ont été tués par les chasseurs l’an dernier dans notre pays. Pourtant, la marmotte est déjà protégée par endroits et sa population est en déclin.

Une pratique archaïque

À l’origine, la marmotte était chassée pour sa graisse, sa chaire, voire parfois sa fourrure. Mais toutes ces justifications sont aujourd’hui obsolètes, si bien que cette chasse ne perdure en réalité que par tradition, dans le seul but de satisfaire une poignée de chasseurs – souvent âgés – adeptes de cette pratique anachronique.

Pourtant, la chasse à la marmotte n’est pas une activité populaire, y compris chez les chasseurs eux-mêmes, car elle est réputée facile et peu glorieuse. Mais cette activité continue d’être défendue par les fédérations de chasse… officiellement pour protéger les agriculteurs des dégâts provoqués par les trous de marmottes ! En réalité, les chasseurs considèrent l’activité cynégétique comme une seule et même entité : dans cette perspective, il convient donc de considérer la chasse comme un seul bloc et de ne pas « lâcher du terrain », sur aucune espèce, de peur de voir demain un autre animal retiré de la liste des espèces chassables.

La marmotte, fragilisée par le réchauffement climatique

Cette activité mortifère porte pourtant atteinte à une espèce particulièrement menacée. En effet, la population de marmottes est en déclin continu en France depuis les années 1990 (Tafani, 2013). En cause, notamment, les comportements inappropriés des randonneurs, certaines pratiques agricoles et pastorales, la présence des chiens, l’artificialisation des sols, la destruction de leur habitat mais aussi et surtout le réchauffement climatique. Ce dernier point à fait l’objet de plusieurs articles scientifiques qui alertent sur les conséquences du manque d’enneigement l’hiver sur le taux de reproduction des marmottes et de survie des juvéniles (ibid.). Des scientifiques se demandent même si les Français vont continuer de pouvoir voir des marmottes dans les Alpes dans les décennies à venir… 

Un atout pour les territoires de montagne

Or, la marmotte fait partie intégrante du patrimoine naturel français et constitue un attrait touristique certain, notamment dans les régions alpines où elle est déclinée en peluches, cartes postales et autres logos (Louis, 1999). On se souvient tous de cette publicité où le petit rongeur emballait du chocolat dans du papier alu. La marmotte fait incontestablement partie de nos imaginaires collectifs et bénéficie d’un fort capital sympathie. Déjà en 1994, Bosio avait analysé les coûts et bénéfices des réintroductions de marmottes sur un territoire et avait alors estimé que la valeur de présence des marmottes était de 40 fois supérieure à l’effort financier de réintroduction et de protection de l’animal (Ramousse et al., 1999).

On protège d’un côté… mais on tue de l’autre !

Alors qu’elle est chassée par arrêté ministériel depuis le 26 juin 1987 (article R224-5 du code rural), la marmotte est pourtant le mammifère qui a donné lieu au plus grand nombre de réintroductions en Rhône-Alpes durant les dernières décennies, avec 91 opérations détectées depuis 40 ans (Ramousse et al., 1992). Cet animal est ainsi protégé dans certains départements – comme le Cantal ou les Pyrénées-Orientales – ou de l’autre côté des Alpes en Italie. La marmotte est même une espèce protégée par la Convention de Berne (annexe III). À ce titre, elle fait l’objet de mesures de protection spécifiques : interdiction du déterrage, du piégeage par les particuliers et sa vente et son transport sont réglementés. Mais elle peut quand même être chassée en dépit de son caractère protégé et menacé ! Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation totalement aberrante où la marmotte continue d’être tirée pour le loisir dans certains départements français – comme en Savoie – et où elle fait l’objet de protection dans d’autres départements qui l’ont réintroduit par le passé et interdisent cette même chasse…

Une pratique rejetée par les Français

La chasse à la marmotte fait l’objet d’un rejet fort de l’opinion publique, tout comme une partie du personnel politique. Dans un sondage de 2022, 69 % des citoyens exigeaient son interdiction (sondage IFOP/AJAS). Par ailleurs, 125 élus locaux et parlementaires de tout bord politique ont signé une lettre ouverte demandant au gouvernement l’interdiction de cette chasse. Plusieurs députés et un sénateur ont également déposé des questions écrites soutenant cette même demande.

Les citoyens se mobilisent

Avec plus de 400 marmottes chassées en 2021 puis en 2022, la Savoie est particulièrement touchée par cette pratique. Les Savoyards ont donc décidé de se mobiliser pour faire interdire la chasse à la marmotte au niveau national. Sous l’impulsion de l’Association Justice Animaux Savoie, une vingtaine d’ONG, dont la LFDA, ont rejoint le mouvement en signant une tribune dans Le Monde en septembre 2022. Une pétition lancée par l’association a aujourd’hui engrangé plus de 74 000 signatures et peut encore être signée. Objectif ? Convaincre le gouvernement, dont la nouvelle secrétaire d’État à la Biodiversité, qu’il est nécessaire de protéger cet animal emblématique des montagnes françaises.

Pauline Di Nicolantonio

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