Chiens et chats : l’identification obligatoire peine à être respectée

L’identification des chats et des chiens est obligatoire depuis 2012 mais n’est pas encore totalement un réflexe chez les particuliers. Plus de la moitié des chats échapperaient à cette réglementation qui présente pourtant de nombreux avantages pour les animaux. Retour sur ce système de gestion avec le président d’I-CAD, gestionnaire du fichier national d’identification.

identification obligatoire des chats et des chiens

Indispensable pour des raisons sanitaires et de sécurité, mais aussi pour faire face au trafic d’animaux, l’identification des chats, des chiens et des furets est une obligation. Naturellement, elle joue un rôle central dans la lutte contre la perte et l’abandon des animaux de compagnie, tout particulièrement en période estivale. En juin dernier, l’I-CAD (organisme qui gère le fichier national d’identification des carnivores domestiques en France) organisait la 5e édition de sa Semaine nationale de l’identification des chiens et des chats. Afin d’en savoir plus sur la mise œuvre de cette obligation, nous nous sommes entretenus avec le Dr Pierre Buisson, vétérinaire et président d’I-CAD.

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Pouvez-vous nous raconter la création de ce fichier national d’identification ?

Dr Pierre Buisson : Le fichier I-CAD est le fruit de la réunion des fichiers de carnivores domestiques autrefois divisés entre la Société d’identification électronique vétérinaire (SIEV) et la Société centrale canine (SCC) en 2012. La gestion des données d’identification est avant tout motivée par des raisons sanitaires, puisqu’elle permet de localiser les individus porteurs de maladies et de contacter leurs détenteurs.

En 2012, la mise en place de l’obligation d’identifier les carnivores domestiques a suscité des protestations des filières professionnelles. Pour quelles raisons ?

Dr Pierre Buisson I-CAD
Dr Pierre Buisson,
président d’I-CAD

Dr P. B. : Il y a eu de vifs débats sur la mise en œuvre de l’identification électronique car, dès les années 1960, la France avait pris de l’avance en misant sur le tatouage. Lorsque s’est développée en Europe une identification alternative, il y a eu beaucoup d’opposition. Par méfiance, l’innocuité et la fiabilité du système ont été mises en doute. Aujourd’hui, l’identification électronique représente 92 % des identifications (I-CAD, Baromètre 2023). La généralisation du puçage a aussi posé la question du monopole des vétérinaires sur l’identification, car le tatouage avait l’avantage de pouvoir être réalisé directement par l’éleveur. Or, il faut rappeler qu’il ne s’agit pas là d’un monopole économique pour les vétérinaires mais d’un gage de qualité, en confiant un élément de certification à une profession très réglementée. Enfin, tout le monde a compris que les quelques avantages du tatouage sont largement dépassés par les inconvénients de sa mise en œuvre : cette technique étant douloureuse, elle est par exemple impossible à utiliser chez le chat à moins de réaliser une anesthésie générale.

L’identification des chats est encore insuffisamment répandue chez les particuliers. En avez-vous identifié les raisons ?

Dr P. B. : On dit que 90 à 95 % de la population de chiens est identifiée, en revanche les statistiques concernant les chats sont beaucoup plus faibles [NDLR : plus de la moitié d’entre eux ne seraient pas identifiés selon I-CAD en 2021] et la mise en œuvre plus lente, bien qu’en progression. Un premier constat est qu’à la différence des animaux de rente, les carnivores domestiques ne représentent pas une filière réellement organisée, tout particulièrement celle des chats. Moins de 5 % de ceux que nous identifions proviennent d’élevages professionnels. L’immense majorité est plutôt issue de la famille, des voisins, etc., avec une reproduction davantage subie que souhaitée. Finalement, ce sont les vétérinaires, les associations de protection animale et modestement les éleveurs qui constituent la filière chat. Ce sont des personnes aux univers très différents, bien loin d’une interprofession avec une économie partagée.
Ensuite, il me semble nécessaire d’analyser les raisons pour lesquelles on possède un chat et les modalités de notre rapport à ce dernier, qui sont diverses et par conséquent amènent à un investissement très variable de la part de son « cohabitant ». En tant que vétérinaire, je suis amené à constater des disparités de traitement entre les animaux d’un même foyer. Nous estimons que l’identification est la marque formelle du lien entre le détenteur et l’animal, or on constate que ce lien n’est pas caractérisé de la même manière chez le chat et chez le chien. Ainsi, l’identification du chat relève aujourd’hui en premier lieu d’un outil de gestion sanitaire et de gestion de la population (car elle permet de repérer les individus stérilisés), et non d’un lien d’adoption.

Existe-t-il des aides pour accompagner les associations ou les particuliers pour qui l’identification serait trop coûteuse ?

Dr P. B. : De très longue date, les associations de protection animale et les vétérinaires ont collaboré, d’abord de manière informelle. C’est désormais un système de conventionnement de gré à gré qui permet aux associations qui prennent en charge des animaux de bénéficier de tarifs extrêmement réduits grâce à l’abandon des honoraires des vétérinaires. En parallèle, l’association Vétérinaire pour tous (VPT) accompagne depuis très longtemps les personnes aux faibles revenus. Elle a bénéficié du Plan de relance pendant la crise de la Covid-19, ce qui lui a permis d’étendre son action basée sur un système de partage des frais à trois tiers (un tiers est à la charge du possesseur, un autre à celle de VPT, le dernier n’étant pas facturé par le vétérinaire). C’est un bon système qui est à la fois responsabilisant et solidaire.

Quel est le parcours d’un animal perdu, et comment entre en jeu l’identification ?

Dr P. B. : Lorsqu’un animal est perdu, il est sous la responsabilité des services municipaux et de leur fourrière. Si l’animal est identifié, notre fichier est sollicité via la lecture de sa puce pour accéder aux coordonnées des propriétaires et le leur restituer. Si ces recherches n’aboutissent pas sous huit jours ouvrés, la fourrière peut le céder à un refuge où il sera identifié et proposé à l’adoption ou, en dernier ressort (animal malade, non adoptable, surpopulation dans les refuges, etc.), avoir recours à l’euthanasie. Nous évitons d’utiliser des arguments basés sur la peur, mais il est vrai que l’identification joue un rôle déterminant lorsque l’animal est perdu. De manière générale, pour inciter à respecter l’obligation d’identification, nous préférons insister sur les avantages qu’elle procure plutôt que sur la coercition.

Rappelons les avantages justement mis en avant par les campagnes d’I-CAD : « être officiellement reconnu propriétaire de l’animal, lui donner sa propre identité, le retrouver plus facilement en cas de perte, pouvoir voyager avec lui, lutter contre les trafics, vols et abandons. » Des arguments qui pourront inciter les particuliers à se conformer à la réglementation.

Propos recueillis par Léa Le Faucheur

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