De la distinction du statut juridique des animaux domestiques et sauvages

Alors que de nombreuses espèces animales sont reconnus comme étant sensibles, le statut juridique des animaux diverge non pas en fonction de l’absence ou non de sensibilité mais en fonction du caractère domestique ou sauvage de l’espèce. Ainsi, de nombreux animaux sauvages, pourtant êtres sensibles, subissent des pratiques qui sont condamnables sur les animaux domestiques.

Chat sauvage Felis silvestris silvestris © Luc Viatour

Au premier abord, il semble aisé pour chacun d’entre nous de distinguer l’animal sauvage de l’animal domestique. En effet, on pourrait penser que l’animal domestique, c’est celui qui est apprivoisé et vit à nos côtés, sous notre dépendance – celui qui nous est familier. L’animal sauvage est, à l’inverse, défini comme celui qui vivrait à l’extérieur, dans la nature, en dehors de tout contrôle et de dépendance à l’être humain.Toutefois, cela n’est pas aussi simple.

I) Définitions de l’animal sauvage et de l’animal domestique

La distinction susvisée ne reflète en aucun cas la classification utilisée par les communautés scientifique et juridique. En effet, les scientifiques distinguent les animaux sauvages des animaux domestiques en se fondant sur le critère relatif à la domestication de l’animal. Selon eux, l’animal sauvage est celui qui n’a pas été domestiqué par l’homme, c’est-à-dire celui qui appartient à une espèce n’ayant subi aucune modification génétique par sélection. Quant à l’animal domestique, comme son nom l’indique, il a fait l’objet d’une domestication par l’homme. Bien qu’il soit difficile de décrire précisément les contours du processus de « domestication », les scientifiques le définissent comme l’adaptation génétique et comportementale d’une espèce animale à son environnement captif. Le processus de domestication consiste en une modification des traits comportementaux et physiologiques d’une espèce animale sur plusieurs générations, résultant de la sélection de caractéristiques par l’homme, telles que la docilité ou la prolificité, lors de la reproduction des individus, et ce en vue de son profit matériel, social ou symbolique.

Il convient de souligner le fait que la détention en captivité ne suffit pas à rendre « domestique » l’ensemble des espèces animales. Encore faut-il qu’une modification génétique ait été occasionnée par la sélection volontaire des animaux, par l’homme, pour considérer qu’ils ont été domestiqués. De plus, certaines espèces, comme les reptiles et les amphibiens ou encore les poissons et les invertébrés, seraient, selon le Pr Price et le biologiste C. Warwick, génétiquement programmées pour conserver leurs caractéristiques sauvages, et ce quand bien même les animaux seraient tenus en captivité durant plusieurs générations. Ainsi, il semblerait impossible de les domestiquer.

Ce critère de sélection génétique a été repris en droit pour classifier les animaux et distinguer leur type et leur degré de protection. Ainsi, la Convention sur la diversité biologique de Rio visant à la conservation de la diversité biologique définit les espèces domestiques comme « toute espèce dont le processus d’évolution a été influencé par l’homme pour répondre à ses besoins ».

De même, le droit français s’appuie sur ce critère pour distinguer l’animal domestique de l’animal sauvage. Ainsi, aux termes de l’arrêté du 11 août 2006, sont des animaux domestiques ceux « appartenant à des populations animales sélectionnées ou dont les deux parents appartiennent à des populations animales sélectionnées », parmi lesquels on peut citer les animaux de rente comme les porcs ou les bovins. 

Les autres animaux, définis par la négative dans le droit français, font partie des « espèces non domestiques », c’est-à-dire celles n’ayant pas subi de modifications par sélection de la part de l’homme. Il s’agit des animaux sauvages qui constituent, au sens du code civil, des res nullius, choses sans maître qu’il est possible de s’approprier. 
Toutefois, cette classification présente certains écueils. Ainsi, on remarquera notamment que l’arrêté du 11 août 2006 mentionne certaines espèces animales pour lesquelles il existe pourtant des controverses scientifiques quant à leur caractère domestique, telles que le chat (voir II.).

Aussi, en l’absence de consensus scientifique quant à la détermination des espèces animales domestiquées, on peut s’interroger sur la pertinence de cette distinction en droit français et ce d’autant plus au vu des implications désastreuses pour la protection des animaux qui en découlent.

En effet, cette distinction est lourde de conséquences pour l’animal car, selon qu’il est domestique ou sauvage, approprié ou non par l’homme, son degré de protection s’en trouvera fortement différencié. L’animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité par l’homme, reconnu comme être doué de sensibilité, bénéficie d’un régime bien plus protecteur que l’animal sauvage libre qui voit, dans le meilleur des cas, sa protection limitée à l’objectif de préservation de son espèce.

II) L’animal, objet d’appropriation par l’homme, seul animal doté d’une sensibilité et digne de protection ?

a) L’animal domestique protégé en sa qualité d’être sensible à l’inverse de l’animal sauvage libre

Reconnu comme être vivant doué de sensibilité aussi bien par l’article 515-14 du code civil que par l’article L214-1 du code rural, l’animal domestique bénéficie en droit français d’une protection pénale. Il est donc protégé à l’encontre des atteintes qui pourraient lui être portées en tant qu’individu (ex : actes de maltraitance, sévices graves, de nature sexuelle ou encore actes de cruauté).

L’octroi de cette protection pénale s’expliquerait par la vulnérabilité de l’animal domestique face à l’homme qui l’a élevé et avec lequel il vit à proximité immédiate. Rappelons en effet que l’on considère que l’animal domestique doit être protégé car il  est placé sous le pouvoir et le contrôle de l’homme et qu’il en devient donc vulnérable. L’animal sauvage tenu en captivité ou apprivoisé par l’homme étant également sous le contrôle de ce dernier, il aurait alors le droit de bénéficier d’une protection pénale.

Cette différenciation du régime de protection selon les espèces animales rend l’animal sauvage libre davantage susceptible de subir des sévices et actes générateurs de souffrance, car ceux-ci ne seront pas sanctionnés. La députée Samantha Cazebonne, souligne à juste titre que « cette absence de reconnaissance (de la sensibilité) rend de fait légales la torture et la maltraitance d’animaux sauvages ». Ces actes seraient réprimandés s’ils étaient commis sur des animaux domestiques.

Ce défaut de protection de l’animal sauvage libre est difficilement compréhensible dans la mesure où il a clairement été démontré par les scientifiques que l’animal sauvage est doté d’une sensibilité nerveuse identique à celle de l’animal domestique, du moins en ce qui concerne les espèces vertébrées et certaines espèces invertébrées comme les mollusques céphalopodes (pieuvre, seiche…) et les crustacés décapodes (crabe, homard…). Aussi, au vu de ces données scientifiques, opposer l’animal sauvage et l’animal domestique quant à la question de leur sensibilité et de leur protection semble incongru. En effet, il est assez étrange de refuser de protéger pénalement un mammifère sauvage dont la sensibilité a été reconnue scientifiquement, alors même que le ver à soie, dont la sensibilité n’a pas été démontrée par la science, pourra bénéficier de ce régime de protection en raison de sa qualité d’espèce domestique.

b) L’animal sauvage devient protégé en qualité d’être sensible lorsqu’il est objet d’appropriation par l’homme

Cette distinction entre l’animal sauvage et l’animal domestique concernant leur protection et sensibilité apparaît d’autant moins logique lorsque l’on constate que l’animal sauvage acquiert la qualité d’être sensible et devient protégé pénalement quand il est objet d’appropriation par l’homme. En effet, lorsqu’il est « apprivoisé ou tenu en captivité » par l’homme, l’animal sauvage est assimilé à l’animal domestique et bénéficie alors des dispositions protectrices du code pénal.

Pourtant, il est clair que, biologiquement, l’animal sauvage ne devient pas sensible au simple contact de l’homme. Aussi, comment expliquer le fait que l’animal sauvage n’est protégé par le droit pénal et reconnu comme être sensible que lorsqu’il est objet d’appropriation par l’homme ?

On pourrait en conclure, qu’en raison de sa liberté et de sa distance à l’homme, l’animal sauvage libre n’aurait pas besoin d’être protégé pénalement ou de se voir reconnaître une sensibilité car l’homme ne serait pas en mesure de lui porter préjudice ou de lui causer de la souffrance.

Toutefois, ce raisonnement démontre à quel point l’animal semble n’être considéré qu’en grande partie en fonction du droit de propriété dont l’homme peut se prévaloir à son égard, et non de son réel degré de proximité et de ses interactions.  En outre, celui-ci se heurte à certaines limites résultant de l’absence de définition législative et réglementaire des notions d’« apprivoisement » et de « détention en captivité ».

Ce vide juridique laisse toute latitude aux juges du fond quant à l’interprétation de la notion d’apprivoisement et de détention en captivité, ce qui conduit parfois à des situations dans lesquelles l’animal, laissé à la merci de l’homme de par sa proximité à ce dernier, ne bénéficie pour autant d’aucune protection.

Ce fut notamment le cas des ragondins qui, capturés par des agriculteurs mécontents, furent relâchés aux fins d’être écrasés par des tracteurs. Ces animaux, capturés puis relâchés sur la route, étaient à la merci de leurs détenteurs. Aussi, ne pouvait-t-on considérer que les animaux sauvages étaient tenus en captivité par l’homme, ce qui aurait justifié le prononcé d’une sanction pénale ? Il en est de même du malheureux cerf mis à mort alors qu’il se trouvait enlisé dans un étang boueux, à la suite d’une  partie de chasse à courre.

Et qu’en est-il des oiseaux, comme les grives ou les merles, qui se retrouvent pris au piège de la glu déposée sur des branches d’arbres par les chasseurs, pour être ensuite mis en cage afin d’attirer par leur chant d’autres oiseaux ? Il apparaît assez clair que ces derniers sont tenus en captivité par l’homme. Pourtant, aucune sanction pénale ne semble avoir été prononcée concernant ces faits.

On constate donc que l’animal sauvage libre se trouvant au contact de l’homme, et donc dans une situation de vulnérabilité face à ce dernier, n’est pas protégé.

De même, la notion d’apprivoisement de l’animal n’étant pas définie juridiquement, cela laisse toute latitude aux juges pour déterminer quel animal est apprivoisé ou non. Or, en fonction de l’interprétation qui est faite de cette notion, la qualification d’animal apprivoisé pourra être refusée à certains animaux qui auraient pourtant pu être considérés comme étant apprivoisés si l’on se réfère à la définition communément admise.

Rappelons en effet, que le dictionnaire Larousse définit l’apprivoisement comme le fait de « rendre moins farouche, plus traitable, plus docile un animal sauvage, le domestiquer ». Les animaux apprivoisés sont ainsi habitués à la présence humaine, en acceptent le contact et la proximité et sont donc par conséquent plus vulnérables.

L’illustration du gibier d’élevage reflète particulièrement cet écueil. Ainsi, le gibier élevé et nourri par l’homme, comme le faisan ou le sanglier, rentre dans la catégorie d’animal domestique assimilé et reprend soudainement le statut d’animal sauvage lorsqu’il est relâché.

Or, il semblerait logique qu’il soit protégé pénalement comme le serait un animal domestique.  D’autant plus que le fait d’avoir été relâché dans la nature ne fait pas perdre au gibier la sensibilité que l’homme avait daigné lui reconnaître lorsqu’il était sous son emprise. Celui-ci est donc tout autant susceptible de souffrir lorsqu’il vit dans la « nature ».

En effet, il convient de souligner que ce n’est pas parce que l’animal sauvage est censé vivre indépendamment de l’homme, dans la nature, qu’il n’est pas vulnérable à ce dernier. Les interactions entre l’homme et l’animal sauvage libre existent et sont de nature à placer ce dernier dans des situations où il est vulnérable et susceptible de subir des sévices de la part de l’homme, et ce alors même qu’il ne sera juridiquement considéré ni comme « captif » ni « apprivoisé ».

c) L’animal sauvage, protégé indirectement en tant qu’élément de la biodiversité

Reste donc à l’animal sauvage libre le bénéfice de la protection que le législateur a bien voulu lui donner, non pas en qualité d’« individu », mais pour son appartenance à une espèce animale. En effet, à la différence de l’animal domestique qui est protégé dans son individualité, l’animal sauvage libre ne peut être protégé qu’à travers le prisme de son espèce, au titre de l’objectif de préservation de la biodiversité. Mais encore faut-il avoir la chance d’appartenir à une espèce jugée digne de protection par l’homme…

À titre d’exemple, l’animal sauvage protégé au titre du code de l’environnement, tel que le hérisson, se verra accorder une protection contre toute atteinte qui pourrait lui être portée, c’est-à-dire, sa destruction, sa capture ou encore la dégradation de son habitat naturel. Indirectement, l’animal sauvage « protégé » bénéficie donc d’une certaine protection individuelle le préservant quelque peu des actions de l’homme à son égard.

Toutefois, celle-ci a ses limites et ne saurait venir se substituer à celle dont bénéficient les animaux domestiques ou sauvages tenus en captivité. En effet, rappelons que l’objectif du code de l’environnement n’est pas de préserver l’animal pour lui-même mais en tant que représentant d’une espèce formant un tout fongible. 

Ainsi, le code de l’environnement est indifférent à la souffrance de l’animal. Cela est notamment démontré par l’absence de gradation des sanctions pénales pour les différentes atteintes causées à l’animal ou à son environnement. Sont sanctionnées par les mêmes peines la destruction, la capture, l’enlèvement ou la naturalisation des animaux protégés vivants ou morts, la destruction de leurs habitats, ou encore leur transport.

De plus, comme l’a justement souligné M. Lacaze, maître de conférences, cet impératif de protection de la biodiversité est susceptible de dérogations justifiées par de nombreuses raisons, parmi lesquelles on peut notamment citer la santé, la sécurité publique ou encore l’économie, avec la prévention des dommages importants aux cultures, ou à l’élevage et aux pêcherie. Certes, ces dérogations ne peuvent être accordées que s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que celles-ci ne nuisent pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations, des espèces concernées. Ainsi en est-il de la dérogation autorisant les tirs sur les loups pour prévenir les dommages causés à l’élevage. Toutefois, même si elles ne mettent pas en péril la pérennité et l’existence des espèces protégées, ces dérogations restent de nature à porter atteinte à l’intégrité de l’animal sauvage libre pris individuellement et à lui causer de la souffrance.

En outre, il convient de souligner que le gibier, les animaux sauvages communément qualifiés de « nuisibles », ainsi que les animaux sans statut (ex : le rat) ne bénéficient pas d’une protection de leur espèce par le code de l’environnement.

Le code de l’environnement encadre certes la pratique de la chasse du gibier et la destruction des « espèces non domestiques susceptibles d’occasionner des dégâts » (anciens nuisibles). Le gibier ne peut en principe, être chassé qu’à certaines périodes bien définies de l’année. De même, certaines techniques de chasse du gibier ou de destruction des espèces non domestiques susceptibles d’occasionner des dégâts, comme par exemple l’empoisonnement, sont interdites.

Chat domestique Felis silvestris catus

Toutefois, on remarquera à nouveau que l’animal n’est pas protégé pour lui-même. Seul  l’usage de certaines techniques de chasse ou de destruction prohibées est sanctionné et non la souffrance causée à l’animal. Ainsi, ont été sanctionnés pour délit de chasse à l’aide d’un engin prohibé les trois chasseurs qui avaient profité de l’ensilage en cours dans un champ pour tirer sur les renards débusqués par l’engin agricole.

III) Une distinction de l’animal sauvage et domestique dans les intérêts de l’homme

La distinction entre l’animal sauvage et domestique semble avoir été davantage conçue en vue de répondre aux besoins et intérêts de l’homme, plutôt que dans la poursuite d’un objectif de protection des animaux.  En témoignent les nombreuses incohérences liées à la porosité de cette distinction et son caractère mouvant en fonction des besoins de l’homme.

Ainsi, si comme on l’a vu, c’est le fait d’être placé sous le pouvoir et sous le contrôle de l’homme qui rend l’animal vulnérable à ce dernier, il est alors peu justifiable que l’animal domestique errant soit mieux protégé que l’animal sauvage libre, qui se trouve pourtant dans la même posture. Contrairement aux animaux sauvages qui voient leur régime de protection évoluer selon qu’ils sont appropriés ou non par l’homme, les animaux classés dans la catégorie « domestiques » par l’arrêté du 11 août 2006 continuent à bénéficier des effets de cette qualification (reconnaissance de la sensibilité et bénéfice du régime de protection pénale) et ce même s’ils vivent en liberté dans la nature.

C’est le cas notamment du chien errant et le plus souvent du chat haret, défini par le dictionnaire Larousse, comme un chat domestique retourné à l’état sauvage . Classé aujourd’hui dans la catégorie d’animaux « domestiques » par l’arrêté du 11 août 2006, cet animal bénéficie des dispositions protectrices du code pénal. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle sanctionné pour mauvais traitement un homme qui avait tiré sur un chat errant avant de l’achever au couteau.

Le droit français ne prenant pas en compte les phénomènes de marronage des animaux, c’est-à-dire de retour à l’état sauvage, ces derniers peuvent donc vivre aux côtés de leurs homologues sauvages (Felis silvestris silvestris en France métropolitaine et Felis silvestris lybica en Corse) tout en continuant à bénéficier de la protection offerte en qualité d’animal domestique.

Cela est d’autant plus surprenant qu’il existe des incertitudes scientifiques quant au fait que le chat ait été réellement domestiqué. Certains scientifiques préfèrent parler de « semi-domestication » en raison du fait que le chat est capable de retourner à l’état sauvage sans l’aide de l’homme. Il est également souligné la particularité du processus de domestication du chat. J. Delfour souligne le fait que la relation de l’homme aux chats se « différencie de la domestication « classique » en ce qu’elle n’est pas faite de domination mais de respect mutuel, de bonne intelligence et d’une sorte de pacte secret observé et décliné dans toutes les cultures du monde.« 

Pourtant, ces animaux domestiques en liberté n’étant plus soumis au contrôle et à la merci de l’homme, pourquoi bénéficieraient-ils de dispositions plus protectrices que leurs congénères sauvages libres, privés de reconnaissance de leur caractère sensible ?

On pourrait être tenté de répondre que c’est parce que l’animal domestique reste en contact étroit avec les hommes car il vit souvent à proximité des habitations, et demeure donc vulnérable à son égard.

Pourtant, certaines espèces d’animaux sauvages libres, telles que le rat, semblent placées dans la même situation de proximité physique que le chat haret vis-à-vis de l’homme, et donc tout autant vulnérables. Aussi, il serait logique que le rat soit également protégé de l’action néfaste de l’homme à son égard. Cependant, souvent considéré comme dangereux pour la santé publique car potentiellement vecteurs de maladies, le rat ne bénéficie d’aucune protection à quelque titre que ce soit.  N’étant ni considéré comme du gibier ni comme une espèce non domestique susceptible d’occasionner des dégâts, et à moins d’être considéré comme captif ou apprivoisé, il peut donc faire l’objet de mesures d’extermination et divers actes de cruauté ou maltraitance sans encadrement réglementaire particulier.

Au vu des connaissances scientifiques et considérations éthiques, il apparaît donc clair qu’il y a lieu de remettre en cause la distinction classique entre l’animal sauvage et l’animal domestique qui conduit aujourd’hui à de nombreuses incohérences et ce aussi bien d’un point de vue scientifique qu’éthique et juridique.

IV) Mettre fin à la ségrégation entre animal sauvage et animal domestique en unifiant le statut juridique de l’animal

Eu égard à la reconnaissance scientifique de la sensibilité de certaines espèces d’animaux, qu’elles soient domestiques ou sauvages, il conviendrait donc de mettre fin à cette distinction entre animal « sauvage » et « domestique », et ce du moins en ce qu’elle crée une distorsion importante du régime de protection entre les animaux selon leur degré d’appropriation par l’homme.

Une distinction juridique entre les animaux domestiques et animaux sauvages ne devrait servir qu’à retranscrire les différences entre les exigences et besoins biologiques des animaux. Ainsi, un ours blanc aura des besoins différents de celui d’un chien, par exemple en terme d’habitat. Cette distinction trouverait également un intérêt en ce qui concerne les questions relatives à la détention et au trafic d’animaux sauvages par les hommes.

Mettre fin aux effets néfastes de la distinction juridique artificielle entre animal sauvage et animal domestique devra passer par l’établissement d’un statut légal commun à l’animal domestique et sauvage. Ce statut unique impliquerait la reconnaissance de la sensibilité, comme une caractéristique commune à tous les animaux pour lesquels elle a été reconnue par la science et ce, qu’ils soient domestiques ou sauvages.

Après tout, le second article de la Déclaration des droits de l’animal de 2018 prévoit que « Tout animal appartenant à une espèce dont la sensibilité est reconnue par la science a le droit au respect de cette sensibilité. »

La reconnaissance de la sensibilité de l’animal sauvage libre permettrait de protéger, de manière identique, les animaux domestiques et sauvages, face à la maltraitance et aux actes générateurs de souffrance de l’homme à leur égard et interdirait de fait les pratiques de chasse cruelles telles que la vénerie sous terre ou encore la chasse à courre.

Cela aura probablement pour effet de dissuader davantage les potentiels auteurs de commettre des sévices, actes de cruauté ou actes de maltraitance à l’égard des animaux sauvages libres.

De plus, la reconnaissance de la sensibilité de l’animal sauvage libre ainsi que le bénéfice d’une protection pénale, permettront de faire progresser la condition actuelle des espèces d’animaux sauvages, qui ne bénéficient actuellement d’aucun statut.

Enfin, pourra-t-on faire remarquer que l’élargissement de l’application des dispositions pénales aux animaux sauvages libres irait dans le sens d’un renforcement de la protection des espèces protégées par le code de l’environnement.

L’ortolan, espèce animale non domestique et protégée, en est un bon exemple. À ce jour, l’ortolan continue de faire l’objet de braconnage et de traitements qui pourraient être sanctionnés pénalement (phase d’engraissement et mise à mort par noyade) s’ils étaient perpétrés à l’encontre d’un animal domestique. Or, comme l’a souligné la Pr C. Vial, il serait plus facile de « mettre fin à (la) tolérance (administrative consistant à engraisser l’ortolan) si le droit évoluait de telle façon qu’à l’interdiction de chasser l’ortolan s’ajoutait celle de l’engraisser puis de le noyer ».

Ainsi, avec l’élargissement de la protection pénale à l’ensemble des animaux dont la sensibilité est reconnue scientifiquement, l’animal sauvage libre serait protégé à double titre : en tant que membre d’une espèce protégée par le code de l’environnement et en tant qu’individu par le code pénal.

Eléonore Picot


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