Jusqu’à 21% de la population de loups pourra être détruite chaque année en France

Le loup est une espèce « strictement protégée » en droit français, cependant la législation permet une dérogation afin de protéger les troupeaux d’élevage. L’accroissement de sa population ces dernières années augmenterait la prédation en direction des animaux domestiques, poussant ainsi les autorités à augmenter le quota de loups pouvant être tués par tir.

© Karmer Gary

Malgré l’avis défavorable des citoyens lors de la consultation publique mais aussi du Conseil national de protection de la nature (CNPN), les ministres de la Transition écologique et de l’Agriculture ont publié, au Journal officiel du 23 octobre 2020, les deux arrêtés relatifs à la destruction du loup : l’arrêté fixant le plafond de loups pouvant être détruits vient compléter l’arrêté fixant les conditions des dérogations accordées par les préfets de département.

Canis lupus est une espèce « strictement protégée » inscrite aux annexes II et IV de la directive européenne dite « Habitat », et classée « prioritaire d’intérêt communautaire ». Ces dispositions sont transcrites en droit français dans le code de l’environnement.

Toutefois, il est possible de déroger à cette protection à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et alternative (comme les mesures de protection des troupeaux) et que la dérogation ne nuise pas au maintien des populations dans un état de conservation favorable. Cette exception doit se justifier au regard de cinq motifs possibles tels que la prévention des dommages importants occasionnés par la prédation sur l’élevage.

Depuis son retour naturel en 1992, le loup voit croître sa population et son aire de répartition, ce qui cause une hausse de la prédation (environ 12 500 animaux domestiques tués en 2019). Dès lors, pour contenir ce phénomène, le Plan national d’actions (PNA) 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage a pour double objectif d’assurer la viabilité de la population de loups et de réduire les dommages sur les troupeaux. On parle alors de gestion adaptative de l’espèce.

Les arrêtés de 2020 intègrent, dans le dispositif d’intervention, les mesures expérimentales menées en 2019 et 2020 sur les foyers d’attaque, résultant du dépassement en 2019 du seuil de viabilité démographique de l’espèce fixé à 500 individus. En effet, lors du dernier bilan hivernal 2019-2020 de l’Office français de la biodiversité (OFB), la population lupine s’élevait à 580 spécimens.

Conformément aux arrêtés, la population des loups peut être détruite jusqu’à 19 % de ses effectifs (soit 110 loups), avec la possibilité de mettre en œuvre des tirs de défense simple pouvant conduire à l’abattage de spécimens de loups dans la limite de 2 % (soit un plafond maximal de 21 % correspondant à 121 loups). En 2020, 97 loups ont été tués légalement et 8 loups ont été « détruits volontairement hors protocole », autrement dit braconnés.

Depuis 2004, le PNA promeut un équilibre entre les activités pastorales et la présence du loup, en d’autres termes la cohabitation. Actuellement, les gestionnaires adoptent une politique de tir afin de réduire les attaques sur les troupeaux. Pourtant, en l’état actuel des connaissances scientifiques, il est difficile d’évaluer la pertinence de ces tirs létaux sur la prédation. L’action 7.5 du PNA prévoit, par ailleurs, la réalisation d’une telle étude. De toute évidence, il apparaît que la corrélation entre le nombre de loups et le nombre d’attaques n’est pas avérée. Désormais, il semble opportun d’appréhender la question de la conservation du loup mais aussi de sa gestion sous l’angle d’autres facteurs.

Si la population des loups est considérée aujourd’hui comme viable, elle doit être durable demain. Ce grand canidé demeure protégé, mais il convient de lui garder une place appropriée dans notre écosystème national.

Fanny Marocco

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