CR: L’Europe des animaux. Utiliser le levier européen pour la cause animale (Durand & Marie, 2019)

Pascal Durand et Christophe Marie, 2019, Alma Éditeur, 232 p. (12 €)

L’Europe des animaux est paru peu de temps avant les élections européennes du 26 mai dernier, et ce n’est pas un hasard. En effet, cet ouvrage se veut une ode à l’Union européenne (UE) en tant que législateur sur la protection des animaux. Il souligne toutefois les limites et les manquements de l’UE en la matière, et fait aussi la part belle à l’échelon national. Pascal Durand est un eurodéputé français qui vient d’être réélu pour siéger au Parlement européen. Ainsi, il connait par cœur le fonctionnement des institutions européennes et est en mesure d’analyser leurs forces et leurs faiblesses. Christophe Marie, directeur du Pôle Protection animale de la Fondation Brigitte Bardot, est actif depuis des nombreuses années dans le milieu de la cause animale, et a vu se succéder les législatures européennes et nationales. Tous deux offrent une analyse efficace de la législation et de la réglementation en matière de protection des animaux aux niveaux européen et national.

L’ouvrage s’ouvre sur une préface de Corine Pelluchon, philosophe et professeure à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée, qui s’intéresse à la condition animale. Elle remarque que les animaux ont besoin de l’Europe, car, comme l’explique les deux auteurs, l’UE joue un rôle crucial dans la protection des animaux. Elle explique que l’Europe a également besoin des animaux en retour, dans le sens où la condition animale est devenue un véritable enjeu de société plébiscité par les citoyens européens, qui pourrait être utilisé par l’Union pour regagner la confiance de ses citoyens et sortir de la crise qu’elle traverse.

La première partie du livre sur l’échelon européen débute avec une explication du fonctionnement de l’Union européenne : comment les législations sont adoptées, quel est le rôle du Parlement européen, celui du Conseil de l’Union européenne et celui de la Commission européenne. Les points forts et les points faibles de l’UE sont abordés et l’analyse est d’autant plus fine qu’elle est faite de l’intérieur grâce à la position de Pascal Durand.

Le reste de cette première partie se découpe en trois thèmes sur lesquels l’UE a légiféré : l’élevage, l’expérimentation animale et les animaux sauvages. Sur le sujet de l’élevage, Durand et Marie ne se contentent pas d’énumérer toutes les législations et règlementations adoptées par les institutions européennes, telles que la directive sur la protection des animaux d’élevage, celle sur les poulets de chair, celle sur les veaux de boucherie, ou celle sur l’abattage. Ils dénoncent l’influence des lobbys agroalimentaires et leurs pouvoirs au niveau communautaire comme national, notamment en exposant le cas du transport des animaux vivants pour lequel Pascal Durand s’est particulièrement battu au cours de son premier mandat. L’eurodéputé et le cadre associatif font également des propositions d’actions à mettre en œuvre pour combler les lacunes législatives en matière de protection animale. Ils n’oublient pas de mentionner l’étiquetage bien-être animal sur les produits issus de l’élevage, et notamment l’initiative privée du groupe Casino avec la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA), CIWF France et l’Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoir.

Au sujet de l’expérimentation animale, les auteurs rappellent qu’une directive européenne protège les animaux mais qu’un manque de transparence et de volonté de développement des méthodes alternatives à l’expérimentation animale persiste, empêchant le nombre d’animaux utilisés de diminuer. Ils soulignent le succès sans précédent de la législation sur les produits cosmétiques, lesquels, grâce au courage politique des parlementaires européens, n’ont maintenant plus le droit d’être vendus au sein de l’UE s’ils ont été testés sur des animaux.

Sur les animaux sauvages, Durand et Marie nous parlent de l’interdiction de la vente de peau de phoque – combat mené et largement médiatisé par Brigitte Bardot – au sein de l’UE, la protection européenne du loup et de l’ours, entre autres législations indispensables.

La seconde partie de l’ouvrage est consacré à l’échelon national, comparant la France à ses voisins en Europe, voire au-delà. Pour planter le décor, les auteurs citent l’expression du fondateur de la LFDA Jean-Claude Nouët : « La France est la ‘lanterne rouge’ de la condition animale », car elle est globalement en retard sur les sujets liés à la condition des animaux. Les auteurs citent tout de même la proclamation au siège de l’Unesco à Paris de la Déclaration Universelle des Droits de l’Animal en 1978.

Ensuite, les auteurs s’attaquent aux nombreuses atteintes à la condition des animaux en France, les expliquent, les dénoncent, et les comparent avec les autres pays de l’UE et parfois d’ailleurs pour montrer le retard que les politiques français ont sur leurs homologues étrangers : abattage rituel, gavage et foie gras, élevage de lapins (99 % en cage !), contrôle vidéo dans les abattoirs, problèmes liés aux animaux de compagnie… Les pratiques particulièrement barbares que sont la corrida et la chasse à courre ne sont pas épargnées, et il est expliqué que leur survie ne tient que grâce à la soumission des politiques français aux lobbys. La question de la faune sauvage captive est abordée (animaux sauvages dans les cirques, cétacés dans les delphinariums, élevage de visons d’Amérique), avec un ton proche du désespoir : la France sera-t-elle le dernier pays européen à interdire ces activités largement contestées par les Français ?

L’ouvrage se termine sur le sujet de la personnification des animaux, sujet qui prend de l’ampleur, aussi bien en France avec l’entrée de la sensibilité des animaux dans le code civil, que dans de nombreux autres pays, comme en Argentine ou aux États-Unis, et qui va surement devenir un sujet majeur dans les prochaines décennies, par son potentiel pour faire progresser la condition des animaux.*

L’Europe des animaux est convaincant dans sa description des possibilités concrètes qu’offre l’UE pour améliorer le sort des animaux. Il tord le cou à certaines idées reçues sur l’Europe, notamment sur son déficit de démocratie, alors que les membres du Parlement européen sont élus au scrutin proportionnel, bien mieux représentatif que le scrutin majoritaire pratiqué pour élire nos députés nationaux. Il balaye une majorité des atteintes au bien-être et au droit à la vie des animaux, met en évidence les lois et réglementations qui permettent d’améliorer leur sort, tout en rappelant les nombreux progrès qui restent à faire dans le domaine. Il montre que lorsque le gouvernement dit « ce n’est pas possible », en fait, c’est possible, avec une analyse de ce qui s’est fait chez nos voisins et un peu de courage ou de volonté politique. Cette lecture réconciliera, si besoin est, les défenseurs des animaux avec l’Union européenne.

Nikita Bachelard

* Comme annoncé par Louis Schweitzer dans son billet, ce sujet sera traité dans un colloque organisé par la LFDA à l’Institut de France en octobre prochain.

Note : L’ensemble des droits d’auteurs de cet ouvrage sont reversés à Eurogroup for Animals, une fédération de plus de 60 ONG à l’échelle européenne, qui a pour but de promouvoir les intérêts des animaux auprès de l’Union européenne, et dont la LFDA fait partie.

Article publié dans le numéro 102 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences


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