Amélioration de la protection des animaux d’élevage: la France, partisane du moindre effort?

Au mois de mars, le ministère de l’Agriculture a lancé une concertation des parties concernées par la révision de la législation européenne sur la protection des animaux d’élevage. L’objectif de cette concertation est de définir les propositions que portera la France dans le cadre de cette révision. L’enjeu est important pour les milliards d’animaux élevés dans l’Union européenne chaque année. La LFDA prend part à cette concertation pour porter des mesures ambitieuses pour protéger les animaux. Malheureusement, les signaux envoyés par le ministre sont peu encourageants.

Une révision des normes de protection animale indispensable

Nous en parlions précédemment dans ces colonnes (voir l’article « La Commission européenne reconnaît le besoin d’améliorer la protection des animaux d’élevage » dans le numéro 116), la Commission européenne veut réviser la législation européenne consacrée à la protection des animaux d’élevage. Conditions d’élevage, transport, abattage, ainsi qu’étiquetage des produits d’origine animale sont au programme de cette révision.

Lire aussi: La Commission européenne reconnaît le besoin d’améliorer la protection des animaux d’élevage

Les normes actuelles ne sont pas satisfaisantes pour garantir le bien-être des animaux élevés à des fins de consommation. Des millions d’animaux sont encore maintenus en cage dans l’UE :

  • Nombreux sont ceux qui vivent dans une promiscuité intense et subissent des mutilations, comme la coupe de la queue ou du bec.
  • Un grand nombre d’animaux d’élevage est transporté dans des conditions plus qu’éprouvantes.
  • Les règles de protection des animaux lors de l’abattage sont insuffisantes et doivent être améliorées.
  • Certaines espèces d’élevage, comme les poissons, sont l’objet d’une législation lacunaire, proche de l’inexistant, quant à leur bien-être.

Les mauvais signaux envoyés par le ministre

Un semblant de concertation

On peut se réjouir que le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, juge la révision des normes européennes de protection animale suffisamment importante pour exiger des services de son ministère l’organisation d’une concertation auxquelles les ONG sont conviées. Cependant, les mesures visant à améliorer le bien-être des animaux d’élevage sont bien connues par le ministre et ses services. En effet, les organisations de protection des animaux, à commencer par la LFDA, ne cessent de marteler des propositions depuis des années, lesquelles sont largement appuyées par des données scientifiques. À quoi bon les recueillir une nouvelle fois ?

De plus, la concertation a pour but, selon le ministère, d’identifier les mesures consensuelles dont la France fera part à la Commission européenne, ainsi que de porter à sa connaissance les bonnes pratiques mises en place en France. Or, il est plus que difficile de trouver des mesures qui fassent l’objet de consensus entre ONG et professionnels de l’élevage. Certes, certaines pratiques peuvent être saluées et soutenues par les ONG, mais elles sont loin de l’être par l’ensemble des professionnels.

Fermer les yeux sur la mise à mort

Les inquiétudes des ONG ont été renforcées par les thématiques de la concertation : l’abattage en est exclu. Pourtant, la Commission européenne va faire des propositions de modifications réglementaires sur le sujet. Et pour cause : des normes s’imposent, comme la mise en place du contrôle par vidéo en abattoir, l’interdiction ferme de l’élimination des poussins mâles et des cannetons femelles, ou encore l’instauration de normes d’abattage pour les poissons. La LFDA, ainsi que l’Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs (OABA), CIWF France, Welfarm, la Fondation Brigitte Bardot et la Fondation 30 millions d’amis, toutes parties prenantes à la concertation, ont dénoncé l’exclusion de la thématique abattage dans une lettre ouverte adressée au ministre le 31 mars.

Transport et étiquetage : peu d’ambition

Autre signal inquiétant envoyé par le ministre : son refus de considérer l’interdiction des exportations d’animaux à destination des pays hors-UE. Lors d’un entretien que la LFDA a obtenu avec la directrice de la direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère, Maud Faipoux, il nous a été clairement signifié qu’il n’y aurait pas de position en ce sens. D’ailleurs, Marc Fesneau avait exprimé le soutien de la France à une note de position du Portugal et de l’Espagne lors du Conseil des ministre de l’UE le 30 janvier dernier, nos voisins du Sud s’opposant à l’interdiction des exportations d’animaux vivants, à l’inverse notamment de l’Allemagne et des Pays-Bas. Le message est clair.

Quant à l’étiquetage, le prédécesseur de Marc Fesneau, Julien Denormandie, avait déclaré, lors d’une réunion du Conseil des ministre de l’UE en décembre 2020, qu’il ne soutenait pas le caractère obligatoire d’un étiquetage sur le bien-être animal. Ce positionnement nous a été confirmé par la directrice de la DGAL.

ONG et parlementaires interpellent le ministre

Face à ces signaux inquiétants, les ONG sont déterminées à faire comprendre au ministre de l’Agriculture l’importance de cette révision. Pour ce faire, à l’initiative de CIWF France, 7 ONG[1], dont la LFDA, ont organisé un événement sur la place des Invalides, à deux pas de l’Assemblée nationale, pour interpeller le ministre à ce sujet. Munies d’une banderole et de pancartes, ainsi que d’un parterre de peluches représentant les animaux d’élevage, les ONG ont convié les parlementaires à les rejoindre. Des députés, dont la présidente du groupe d’études sur la condition et le bien-être des animaux, Corinne Vignon, mais aussi le sénateur Arnaud Bazin, président de la section « Animal et société » du groupe d’études « Élevage », et les représentants des ONG, ont pris la parole successivement devant les médias et les curieux. Nous avons demandé à Marc Fesneau de soutenir une révision complète et ambitieuse de la législation européenne, notamment à travers quatre demandes prioritaires :

  • l’interdiction de l’élevage en cage ;
  • la fin des exportations d’animaux vivants hors de l’UE ;
  • la création de normes de protection des poissons au moment de leur mise à mort ;
  • la mise en place d’un étiquetage obligatoire du mode d’élevage et du bien-être animal.

Évidemment, la LFDA, comme les autres organisations, fera part de l’ensemble de ses propositions lors des réunions de la concertation. Ses conclusions seront rendues en juin. Nous avons aussi demandé un rendez-vous au ministre pour discuter de ces sujets. Quant aux propositions de la Commission européenne, elles sont attendues pour l’automne 2023. La LFDA et ses partenaires associatifs continueront de se mobiliser pour des nouvelles normes qui améliorent vraiment la vie des animaux d’élevage.

Nikita Bachelard


* LFDA, CIWF France, OABA, Welfarm, Fondation Brigitte Bardot, Quatre Pattes, Convergence Animaux Politique

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