Les ONG ripostent face aux cirques avec animaux

La Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences a tenu à soutenir l’initiative de l’association Code Animal en cosignant avec d’autres ONG et collectifs d’associations, ainsi que des représentants de cirques dits « progressistes », un courrier au Président de la République demandant que les ONG soient reçues et entendues à l’Élysée sur la question des animaux dans les cirques.

Les ONG face aux cirques

L’initiative de Code Animal fait suite au courrier envoyé par les représentants de cirques au Président de la République Emmanuel Macron. Dans ce courrier daté du 14 août, le « Collectif des cirques », qui représente les trois-quarts des cirques « traditionnels » (présentant des animaux en spectacle), a demandé à être reçu de « toute urgence » par le ministre de la Transition Écologique et Solidaire Nicolas Hulot suite à ses propos contre la captivité et le spectacle des animaux, tenus sur une émission de radio de France Inter le 2 août. Le collectif dénonce une « provocation » de la part du gouvernement, alors que les gérants de cirques estiment leur métier menacé à cause des « lobbys animalistes » et des municipalités qui sont de plus en plus nombreuses à refuser d’accueillir des cirques avec animaux (1). Par cette action, les professionnels du cirque ont réussi à obtenir un rendez-vous avec un représentant de l’État le 4 septembre dernier (2).

Les ONG et les représentants de cirques « progressistes » (sans animaux) André-Joseph Bouglione et Alexandra Roncalli, soutenus par des personnalités travaillant sur la question animale, ont décidé de répliquer en s’associant à la prise de position de Nicolas Hulot et en demandant au gouvernement de les inclure dans tous les débats sur la captivité des animaux dans les cirques. Dans un communiqué de presse du 31 août 2017 (3), les ONG de protection animale rappellent que les conditions dans lesquelles évoluent les animaux de cirques sont difficiles et contre-nature. En effet, les grands félins sont enfermés dans des cages de 7 m² (minimum prévu par la loi), les éléphants vivent la plupart du temps enchaînés, les singes sont isolés les uns des autres alors qu’ils ont un grand besoin d’interactions sociales, et les ruminants, chevaux, lamas et dromadaires n’ont bien souvent aucun abri pour se protéger des intempéries.

À cela s’ajoute le stress provoqué par l’ennui, la claustration, le bruit, l’alternance de lumière trop vive et d’obscurité, ce qui cause très fréquemment des stéréotypies, c’est-à-dire des comportements répétitifs, invariants et qui n’ont aucun but ou fonction apparents (4), hormis tenter d’apaiser la tension de l’animal (par exemple, un éléphant qui se balance ou un tigre qui fait des allers-retours dans sa cage). De plus, les animaux doivent subir des transports fréquents et souvent longs dans des camions cages, et la mauvaise hygiène pose également des problèmes de santé.

Enfin, les tours imposés aux animaux, telles qu’un éléphant s’asseyant sur un tabouret ou un lion sautant dans un cerceau en feu, sont contraires à leurs comportements naturels et incompatibles avec leur anatomie et leur physiologie, et peuvent les blesser gravement. De fait, ces techniques de dressage peuvent être considérées comme illégales d’après l’article 34 de l’arrêté du 18 mars 2011 sur les animaux de spectacles itinérants : « au cours du dressage, ne doivent être exigés des animaux que les actions, les performances et les mouvements que leur anatomie et leurs aptitudes naturelles leur permettent de réaliser et entrant dans le cadre des possibilités propres à leur espèce. À cet égard, il doit être tenu compte de l'âge, de l'état général, du sexe, de la volonté à agir et du niveau de connaissance de chacun des animaux » (5). De surcroît, ces techniques sont source de stress et de potentielles blessures graves pour les animaux.

Comme le soulignent les ONG signataires dans leur courrier, la Fédération des vétérinaires d’Europe reconnaît que les animaux sauvages, même apprivoisés, n’ont pas leur place dans les cirques où ils ne peuvent pas exprimer leur comportement naturel. Ils partagent avec leurs homologues en liberté les mêmes caractéristiques génétiques et ont donc les mêmes besoins physiologiques qu’eux. Ces experts en santé animale recommandent donc aux autorités nationales compétentes d’interdire purement et simplement l’utilisation des animaux sauvages dans les cirques (6).

Un point sur la situation des cirques avec animaux

L’interdiction de l’utilisation des animaux sauvages dans les cirques est effective dans 27 pays à ce jour, dont 12 pays de l’Union européenne et 9 pays d’Amérique Latine. Parmi eux, certains ont même choisi d’interdire l’utilisation de tous les animaux, comme la Bosnie-Herzégovine, Chypre, Malte, le Guatemala et la Bolivie. En plus de ces 27, une dizaine d’autres pays ont décidé de restreindre les espèces autorisées à être montrées en spectacles (7). Enfin, dans les pays où il n’y a pas d’interdiction, de nombreuses villes se sont saisies de la question en prenant des arrêtés contre l’installation sur leurs espaces publics des cirques avec animaux. Le nombre de communes dans ce cas ne cesse d’augmenter, notamment en France où une soixantaine de ville ont eu recours à ce type de législation (8), et bien d’autres utilisent des moyens détournés pour empêcher les cirques de s’installer sur le territoire communal, tels que des contrôles de respect des normes de sécurité (9). Enfin, en Europe, plusieurs gouvernements nationaux considèrent actuellement la mise en place d’une législation interdisant la présence des animaux dans les cirques : en Estonie, en Finlande, en Italie, en Slovaquie et en Suède.

Pour faire face ou anticiper de telles lois, des cirques « progressistes » ont décidé d’en finir avec l’exhibition des animaux pour le spectacle et d’évoluer vers des numéros composés uniquement d’humains. En France, le cirque Roncalli et le cirque André-Joseph Bouglione ont pris des décisions en ce sens, faisant preuve de la possibilité d’adaptation de ces établissements de spectacle. Il faut dire que les cirques traditionnels sont mis en péril par l’évolution des mentalités au sujet de la captivité des animaux. Selon un sondage réalisé par Le Parisien le 31 juillet 2017, 70,8 % des 11 151 votants ont répondu « oui » à la question : « faut-il interdire les spectacles avec animaux ? » (10). Ainsi, à l’instar de l’établissement Ringling Bros and Barnum and Bailey aux États-Unis, des cirques se voient contraints de mettre la clé sous la porte, faute de revenus suffisants. En France, des petits cirques sont réduits à l’inactivité à cause des nombreuses communes refusant de les accueillir (11). Les cirques français se sentent menacés, comme en témoigne la récente tribune du directeur du zoo d'Amnéville Michel Louis, fervent défenseur des spectacles avec animaux. S'en prenant aux associations de protection animale, il invite le public à venir voir le calvaire dans lequel vivent les animaux de cirques lors des journées du patrimoine les 16 et 17 septembre (12). Cette stratégie a pour but d’attirer un public de plus en plus sceptique, et prouve qu’il est plus que temps pour ces professionnels d’évoluer vers une activité plus éthique qui met l’homme en valeur sans maltraiter les autres animaux.

Rappel des actions de la LFDA

La Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences s’est toujours positionnée contre la détention des animaux sauvages, et contre le dressage des animaux pour le spectacle. Jean-Claude Nouët, co-fondateur de la Fondation est un précurseur dans le domaine. Au début des années 1970, il écrit un article intitulé « Quel cirque ? » dans la revue du Touring Club de France pour dénoncer l’utilisation des animaux sauvages dans les cirques. En 1980, à la suite d'une table ronde, La LFDA publie son dossier « L’animal sauvage dans le spectacle » qui dénonce les cirques, les locations d'animaux sauvages, les ménageries ambulantes, et demande l’interdiction du dressage de l’animal sauvage. Sept ans plus tard, en préparation du décret du 26 mars 1987 sur l'utilisation des animaux pour des spectacles, la LFDA exige l'interdiction d'utiliser certaines espèces sauvages. Malheureusement, l'utilisation de ces espèces sauvages est finalement autorisée.

En 2000, la Fondation édite son dossier « La condition des animaux dans les cirques » dans lequel elle réclame une nouvelle réglementation stricte visant notamment à interdire la détention et la présentation d’animaux sauvages dans les cirques. Le rapport est envoyé aux administrations, aux médias, aux associations françaises et étrangères et aux « nouveaux cirques ». Il est cité aux informations de 20 heures et sera repris dans nombre de publications associatives. Ce rapport est ensuite remis au ministère de l’Environnement et à celui de la Culture pour demander une nouvelle réglementation visant à la disparition des numéros d’animaux sauvages dans les cirques et à l’abolition du dressage. Traduit en anglais, il a été envoyé à de nombreuses ONG européennes.

Cette même année 2000, la LFDA ouvre une procédure à l’encontre du cirque Zavatta pour absence de certificat de capacité et absence de l’autorisation d’ouverture. Le directeur du cirque est condamné à une peine d’un mois d’emprisonnement avec sursis, 450 € d’amende et 600 € de dommages et intérêts. Quelques années plus tard, dans le cadre du projet d’arrêté de 2011 sur les conditions de détention des animaux sauvages dans les spectacles itinérants, la Fondation intervient à nouveau auprès des pouvoirs publics avec six autres ONG en vue d’obtenir la disparition progressive des animaux sauvages dans les cirques. Malheureusement encore une fois, les associations ne sont pas écoutées.

Conclusion

Les ONG de protection animale réclament donc depuis longtemps une interdiction de l’utilisation des animaux sauvages dans les cirques. Le mouvement semble désormais bien amorcé dans le monde, et en France, la question prend de l’ampleur, laissant entrevoir une possibilité de projet de loi dans un futur proche. Maintenant, il appartient seulement au nouveau gouvernement d’ouvrir officiellement le débat sur la question des animaux de cirques pour, à terme, légiférer en faveur du droit animal, du respect de l’éthique et des connaissances scientifiques.

Nikita Bachelard

  1. Loris Boichot, « La colère des patrons de cirques avec animaux », Le Figaro, 15 août 2017.
  2. Virginie Garin, « Les lions et les éléphants bientôt interdits dans les cirques ? », RTL, 4 septembre 2017.
  3. Code Animal, « Communiqué de presse : Des cirques et associations de défense animale veulent se faire entendre à l'Élysée », 31 août 2017.
  4. Georgia J. Mason, “Stereotypies: a critical review”, Animal Behaviour, 1991, N° 41, 1015–1037.
  5. Ministère de l'Écologie, du Développement Durable, des transports et du logement, Arrêté du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants, Journal Officiel n° 0080 du 5 avril 2011, page 5976, texte n° 4.
  6. Federations of Veterinarians of Europe, FVE position on the use of animals in travelling circuses, 6 juin 2015.
  7. Animal Defenders International, « Circus Bans », Stop Circus Suffering.
  8. Code Animal, « Les communes qui agissent en faveur des animaux », Cirques de France, 17 septembre 2017.
  9. Association des Maires de France, Charte d’accueil des cirques dans les communes. Droit de cité pour le cirque, 23 mai 2001.
  10. « Faut-il interdire les spectacles avec des animaux ? », Le Parisien, 31 juillet 2017.
  11. Coline Vazquez, « Le gouvernement aide les petits cirques », La Croix, 22 août 2016.
  12. « Cause animale : Les cirques traditionnels réagissent », La Dépêche, 14 septembre 2017.

Article publié dans le numéro 95 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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