Ouverture de la chasse = ouverture de la notice nécrologique

Chaque année, la saison de chasse se solde par des « accidents » mortels et des blessures. Quelle que soit l’année, les causes principales des accidents mortels sont identiques : non-respect des règles de chasse (ne tirer que sur un gibier identifié), non-respect des règles de prudence (ne tirer que dans les 90° face à soi), et non-respect des règles de manipulation d’arme (fusil cassé ou déchargé dans toute autre situation que l’action de chasse).

La saison 2016-2017 a totalisé 18 morts et 143 blessés ; la saison 2017-2018 commence mal.

  • Le 17 septembre, jour même de l’ouverture, à Triaize près de Luçon en Vendée, un garçon de 13 ans a été victime d’un coup de fusil en pleine tête tiré par son grand-père, alors qu’il ramassait un oiseau qui venait d’être abattu. Transporté par hélicoptère dans un état grave à Nantes, il n’a pas survécu.
  • Le même jour, dans le Var, un jeune garçon de 11 ans a reçu une décharge de plombs : il s’en est heureusement sorti avec deux côtes cassées.
  • À Toulaud, en Ardèche, au milieu des champs du plateau ardéchois, un chasseur a reçu une balle dans le mollet, tirée par un de ses compagnons qui visait un sanglier en fuite.
  • Le 14 octobre à Taussac, dans le nord de l'Aveyron, une femme a été tuée par un chasseur qui participait à une battue samedi. Il a tiré au travers d'une haie de buis en pensant viser un cerf. Il était 14h20, et le chasseur n'a pas distingué la victime qui se trouvait derrière, rapporte le journal local Centre Presse.

En dehors des « gibiers », condamnés à mort par la classification réglementaire, d’autres animaux ont inauguré la liste des victimes des chasseurs. A Saint-Auban (06), un chien Malinois de 6 ans a été abattu : un chasseur, qui participait à une battue au sanglier, a cru voir un loup dans la lunette de son fusil, apparemment sans s’étonner qu’un loup porte un large collier orange fluorescent…

Et un dessert, pour clore ce menu d’ouverture : en Savoie à Arith dans les Bauges, un chasseur a tué quatre ânes qui sortaient d’un bois pour regagner leur champ… Deux animaux sont morts sur le coup, les deux autres, les pattes brisées, ont agonisé durant plusieurs heures et ont dû être euthanasiés. Ils appartenaient à une jeune femme qui les louait pour des promenades ; de ses cinq ânes, il ne lui en reste plus qu’un. Le tireur est un chasseur suisse, qui avait pris une carte à l'Association de chasse Arith / Lescheraines. Il était officiellement venu dans les Bauges pour chasser biches, chevreuils et sangliers. Courageusement, le tireur a envoyé son frère le lendemain pour présenter des excuses… « C'est un âne qui a tiré sur des ânes » a déclaré un habitant du secteur. C’est vite dit. Le président de la Fédération de Chasse de Savoie, estime que « c’est un geste très grave pour l’image de la chasse en Savoie ». C’est sûr, mais pas qu’en Savoie. Car c’est la démonstration d’une conséquence du non-respect des règles de chasse (identification formelle de l’animal), à supposer que ne soient pas en cause un grave défaut de la vision empêchant de voir les oreilles d'un âne, ou une perturbation temporaire de la conscience survenant à la suite d’un repas bien arrosé… L’émotion a été forte, dans le secteur, parce que déjà, l’an dernier, un cheval avait été abattu dans les Bauges par un chasseur.

Le problème n’est pas que le tueur d’ânes soit venu de Suisse : le chasseur vivant à l’étranger peut venir chasser en France, sous condition d’être détenteur d’un permis validé et d’une attestation d'assurance couvrant les risques en France. En revanche, un étranger qui vit en France doit obligatoirement posséder le permis de chasser français pour pratiquer la chasse en France. En Suisse, le permis de chasser est accordé après examen des connaissances sur la faune sauvage et la nature, l’entretien cynégétique et les chiens de chasse, la législation ainsi que l’exercice de la chasse et le maniement des armes, et après examen pratique de tir.

En France, les fédérations de chasseurs disent multiplier les actions de sensibilisation à la sécurité, notamment auprès des jeunes. Mais le problème n’est pas là, car  les statistiques sont formelles : les accidents mortels sont provoqués par des chasseurs plus âgés. Depuis des décennies, la LFDA dénonce l’aberration consistant, lors du renouvellement annuel du permis de chasser, à considérer comme suffisante la déclaration par le candidat lui-même qu’il n’est atteint d’aucune affection compromettant la sécurité ; la LFDA réclame un examen et une certification médicale obligatoire chaque année à partir de soixante ans.

La Fédération nationale des chasseurs dit demander une réforme du permis de chasser, qui obligerait les chasseurs à suivre une « remise à niveau sur les consignes de sécurité et un examen tous les dix ans », qui serait une condition pour pouvoir continuer à chasser. Paroles verbales. Pendant la campagne présidentielle, les candidats se sont rendus auprès de la Fédération des chasseurs pour l’assurer de leur soutien indéfectible et louer l’action bénéfique des chasseurs dans nos territoires. La Fédération s’est gargarisée de ces louanges : elle n’en a pas profité pour réclamer la réforme qu’elle dit pourtant essentielle.

Jean-Claude Nouët

Sources : Ouest-France 18-09, Nice-Matin 18-09,  Le Dauphiné 19-09, France Bleu Pays de Savoie 18-09.

Article publié dans le numéro 95 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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