La sanction de la zoophilie par la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021

La loi visant à lutter contre la maltraitance animale votée en novembre 2021 a renforcé la pénalisation des atteintes sexuelles envers les animaux.

Sanction de la zoophilie dans la loi française

La Déclaration universelle des droits de l’animal du15 octobre 1978 révisée en 1989 mentionne le droit à la vie de l’animal, auquel pourrait être annexé le « droit à une vie sexuelle saine compatible avec les êtres de son espèce ». Désignant l’amour et la protection des animaux, au XIXe siècle (Baratay, 2011), la zoophilie a été assimilée à la bestialité au XXe siècle (Baratay, 1993) et aux rapports sexuels avec des animaux par le lexique des affixes. L’association Animal Cross estime que 10 000 personnes ont des rapports sexuels réguliers avec les animaux en France ; 1 % des hommes ont eu un rapport sexuel avec les animaux au moins une fois dans leur vie et 5 % des hommes (1,5 million) ont regardé des images zoopornographiques.

La loi Perben n° 2004-204 du 9 mars 2004 publiée le 10 mars 2004 luttant contre la délinquance et la criminalité organisée a été la toute première loi interdisant la zoophilie en France à l’issue du plaidoyer de la Fondation Droit Animal Éthique et Sciences. Elle introduit l’article 521-1 du code pénal, qui sanctionne les « sévices graves ou […] acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité ». Par sévices graves, il faut entendre la volonté de provoquer la souffrance ou la mort, selon un arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2004. Trois ans plus tard, la Cour a considéré, dans un arrêt du 4 septembre 2007 que : « les actes de pénétration sexuelle commis par une personne sur un animal constituent des sévices de nature sexuelle au sens dudit texte » sans qu’il soit besoin de rechercher la brutalité ou l’existence d’un mauvais traitement. 

Renforcement de la législation en matière de zoophilie en 2021

La loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 émane d’une proposition de loi des députés Loïc Dombreval, Dimitri Houbron et Laëtitia Romeiro Dias, afin de « lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes ». Le chapitre 2 intitulé renforcement des sanctions dans la lutte contre la maltraitance à l’encontre des animaux domestiques sanctionne plus fortement la zoophilie et la zoopornographie.

Le renforcement de l’interdiction de la zoophilie

La zoophilie au sens de l’article 521-1-1 du code pénal renvoie aux « atteintes sexuelles perpétrées sur un animal domestique, apprivoisé ou détenu en captivité ». Les atteintes sexuelles se distinguent des agressions sexuelles. Selon l’article 222-22 du code pénal, les agressions sexuelles désignent tout agissement lié à une activité sexuelle commise avec contrainte, violence, menace ou surprise.

La qualification de la zoophilie en tant qu’atteinte sexuelle permet au législateur de sanctionner toute forme de pratiques sexuelles sur l’animal sans que soit nécessaire un acte de pénétration. L’élément constitutif de l’infraction est le contact avec l’animal. L’inconvénient, cependant, est que la qualification de la zoophilie en tant qu’atteinte sexuelle fait d’elle un délit et non un crime (comme le viol, soumis donc à des peines plus lourdes). En dépit de cela, la distinction principale entre le viol et l’atteinte sexuelle réside dans l’acte de pénétration. Tandis que le premier suppose nécessairement un acte de pénétration, le deuxième quant à lui, s’entend de toute atteinte même dépourvue de pénétration. En revanche, ne sont pas constitutifs d’atteintes sexuelles, au sens de l’alinéa 2 de l’article 521-1-1 du code pénal, les soins médicaux déployés par les professionnels de santé. Le législateur ne s’est pas limité à la seule sanction des personnes physiques. En effet, les personnes morales encourent également des sanctions selon l’alinéa 5 de l’article précité.

Les atteintes sexuelles sont punies d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La sanction peut être portée à quatre ans et à 60 000 euros d’amende dans les cas de zoophilie réalisée « en réunion, en présence d’un mineur ou par le propriétaire ou le gardien de l’animal ». Les sanctions prévues à l’article 521-1-1 du code pénal sont a priori lourdes et témoignent de la volonté du législateur de réprimer toute atteinte sexuelle causée à l’animal. Cependant, les sanctions pénales prononcées dans les affaires de zoophilie atteignent rarement les peines maximales prévues. Par exemple, le 6 juillet 2022, le Tribunal correctionnel d’Angers a condamné un prévenu à six mois de prison pour zoophilie. 

L’apport de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 en matière de zoopornographie et de « zooproxénétisme »

L’incrimination de la zoopornographie

L’association Animal Cross indique que « plus d’1,5 million de films zoopornographiques sont vus par mois en France, plus de 10 000 personnes fréquentent les sites internet de petites annonces pour des expériences sexuelles avec des animaux ».

Constitue un acte de zoopornographie au sens de l’article 521-1-2 du code pénal, le fait de « diffuser sur internet l’enregistrement (…) des sévices graves, actes de cruauté ou atteintes sexuelles » infligés à l’animal. L’auteur de l’infraction, ainsi que son complice, encourent deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Se constitue complice d’une atteinte sexuelle sur l’animal toute personne qui, depuis son emplacement (domicile ou lieu de travail), diffuse une vidéo ou visualise une vidéo contenant les actes susvisés. L’article 521-1-2 du code pénal s’applique à la diffusion d’une image à caractère zoophile sur le web, par messagerie ou par transfert de fichier.

Cependant qu’en est-il, par exemple, de la diffusion de fictions mettant en scène de la zoophilie sur des plateformes de vidéos à la demande, comme Netflix ? Le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que les œuvres de fiction, peu importe leur contenu, ne sont pas constitutives d’infractions pénales. Par conséquent, la diffusion de fictions contenant des passages zoophiles ne saurait être sanctionnée par l’article 521-1-2 du code pénal.

La loi du 30 novembre 2021 prohibe également, à l’article 521-1-3 du code pénal, la sollicitation ou la proposition d’actes constitutifs d’atteinte sexuelle sur l’animal.

L’incrimination du « zooproxénétisme »

Le proxénétisme est défini aux articles 225-5 et 225-6 du code pénal comme le fait d’aider, d’assister ou de protéger, de tirer profit, d’embaucher, d’entraîner, de détourner une personne en vue de la prostitution ou de servir d’intermédiaire. Cette définition du proxénétisme pourrait être étendue à la zoophilie. C’est ce qui ressort de l’article 521-1-3 du code pénal selon les termes duquel, « le fait de proposer ou de solliciter des actes constitutifs d’atteintes sexuelles sur un animal définies à l’article 521-1-1, par quelque moyen que ce soit, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».  La proposition de mise à disposition d’un animal à des fins sexuelles, même par des annonces, constitue donc une infraction.

En définitive, qu’il soit question de zoophilie, de zoopornographie et ou de « zooproxénétisme », ces pratiques causent des préjudices physique et psychique à l’animal. Ainsi, les peines prononcées par les tribunaux devront être à la hauteur de la gravité des atteintes sexuelles subies par les animaux.

Cette loi demeure tout de même limitée dès lors que les sanctions n’incluent pas les animaux sauvages en liberté. Pour une meilleure prise en compte de la souffrance animale et une meilleure sanction de la zoophilie, il est nécessaire de procéder à une extension de la sensibilité à tous les animaux sans distinction aucune.

N’nan Tessougue

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