Un colloque demande l’interdiction des animaux sauvages dans les spectacles

La députée Claire O’Petit et l’association Paris Animaux Zoopolis ont organisé un colloque à l’Assemblée nationale le 12 novembre dernier, intitulé « Vers la fin des animaux sauvages dans les spectacles : pourquoi nous devons légiférer ». Une salle comble est venue écouter les interventions de divers spécialistes. L’objectif de ce colloque a été annoncé en introduction : obtenir une réglementation interdisant l’utilisation des animaux d’espèces sauvages dans les divertissements.

Introduit par Mme O’Petit et modéré par Allain Bougrain-Dubourg, journaliste et président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, ce colloque était divisé en trois parties : le diagnostic, l’abolition et les entreprises. La première partie comprenait quatre intervenants.

Le problème de la captivité des animaux sauvages

Elise Huchard, éthologue, vétérinaire, chargée de recherches en écologie comportementale au CNRS, a pris la parole en premier pour donner des informations scientifiques sur le stress des animaux sauvages captifs, en prenant des exemples parmi les ours polaires, les grands dauphins ou encore les tigres. Elle a également rappelé qu’il n’y a pas de relation saine entre un animal sauvage et son dresseur ; il s’agit uniquement d’une relation de domination.

Monique Bourdin, docteur vétérinaire comportementaliste, ancienne chargée en troubles du comportement dans des écoles vétérinaires, a expliqué ce que sont les stéréotypies ou troubles obsessionnels compulsifs que l’on observe très souvent chez les animaux sauvages captifs (automutilations, balancements, va-et-vient, léchage compulsif, etc.).

Ensuite, Astrid Guillaume, sémioticienne, maître de conférences à la Sorbonne, présidente de l’Association française de zoosémiotique et membre du comité scientifique de la LFDA, a présenté un historique des cirques depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, en soulignant le développement des cirques traditionnels sans animaux et des cirques contemporains. Elle a mentionné la Déclaration des droits de l’animal, qui a fait peau neuve en 2018 mais qui existe depuis 40 ans, et qui est une des pierres angulaires de l’évolution de notre société.

Jérôme Segal, historien, maître de conférences à la Sorbonne, chercheur et journaliste à Vienne en Autriche, a expliqué le cas de ce pays qui est le premier dans l’Union européenne à avoir interdit les animaux sauvages dans les cirques en 2002. À la différence de la France, l’activité des cirques avec animaux sauvages en Autriche était très limitée (une dizaine d’établissements environ).

Abolir la présence d’animaux sauvages dans les spectacles

La deuxième partie a débuté avec Christine Grandjean, présidente de l’association C’est Assez ! Elle a exposé les terribles conditions de vie des cétacés dans les delphinariums, pour qui les besoins physiologiques et comportementaux ne peuvent être satisfaits.

Christophe Coret, président de l’association AVES France est intervenu sur les montreurs d’ours et de loups, qui se déplacent dans les fêtes médiévales. Les conditions de vie des animaux sont aussi terribles que dans les cirques : les ours ont pour abris l’arrière d’une camionnette… AVES France souhaite une transition avec l’arrêt de délivrance de certificat de capacité pendant un an, puis l’interdiction de cette activité et le placement de ces animaux dans des refuges.

Amandine Sanvisens, présidente de l’association Paris Animaux Zoopolis, a fait un état des lieux de l’activité du cirque avec animaux en France, avec une estimation par l’association Code Animal d’une centaine de cirques avec animaux sauvages sur le territoire français, détenant environ 1000 fauves, 30 éléphants et des centaines d’autres spécimens d’espèces sauvages. Elle a évoqué la proposition pour les cirques sans animaux sauvages, qui prévoit une transition avec arrêt du dressage, de l’acquisition et de la reproduction des animaux, et qui est portée par plusieurs ONG, dont la LFDA*.

Ensuite, Christel Kholer, adjointe au maire de Strasbourg, a expliqué le processus qui a permis à la mairie de Paris d’adopter un vœu en conseil municipal indiquant que la ville de Strasbourg ne souhaite plus recevoir de cirques avec animaux sur le territoire communal. Cette volonté remontait déjà à 2008, il aura fallu attendre 10 ans.

Puis, Essa Reijmers de l’ONG Animal Advocacy and Protection (AAP), a parlé de l’activité de son ONG en Espagne, qui possède un refuge pour certaines espèces d’animaux sauvages, et certains individus proviennent de cirques. Les animaux recueillis ont vocation à être replacés dans des zoos qui acceptent de remplir les conditions strictes prévues par AAP concernant la taille et l’enrichissement des enclos, l’assistance médicale, les abris, etc.

Le cirque traditionnel français se renouvelle

La troisième partie a donné la parole aux repentis du cirque avec animaux. Sandrine et Joseph Bouglione ont eu un cirque avec animaux pendant de nombreuses années et ont décidé d’arrêter cette activité pour créer un nouveau cirque sans animaux. Ils ont dénoncé le monde du cirque français traditionnel « en perdition ». Selon eux, le secteur du cirque traditionnel n’est pas du tout structuré, personne, pas même l’État, ne sait exactement combien de cirques avec animaux sont actuellement en activité en France.

Une autre repentie du cirque français avec animaux, Alexandra Roncalli, s’est ensuite exprimée. Après avoir travaillé dans de nombreux cirques avec animaux, elle a monté son cirque sans animaux en 2017. Elle explique toutefois que l’arrêt des numéros avec animaux sauvages est tabou dans le milieu du cirque traditionnel.

La frilosité des décideurs politiques

Avant la conclusion de Mme Claire O’Petit, un échange a eu lieu entre la présidente de Paris Animaux Zoopolis, qui exerce son influence directement sur la mairie de Paris au sujet des cirques avec animaux, et une représentante de la mairie. La Mairie de Paris accueille traditionnellement quatre cirques avec animaux sauvages sur son territoire communal. En 2018, le conseil municipal a adopté un vœu faisant état du souhait de la ville de ne plus accueillir de cirques avec animaux sauvages. Cependant, la mairie continue à distribuer des places gratuites pour des cirques avec animaux !

À la suite d’une « mission Animaux en ville » organisée par la ville de Paris pour discuter de la place des animaux dans la capitale avec des acteurs concernés, qui a duré plusieurs mois en 2017 et à laquelle la LFDA a pu participer, la mairie a rendu un rapport de plus de 300 pages qui préconise, au sujet des cirques avec animaux sauvages, de « poursuivre le dialogue engagé avec les circassiens pour accompagner leur reconversion sociale et économique pour des spectacles sans animaux sauvages, dans un délai raisonnable à déterminer avec ces derniers ». Le dialogue dont fait état la préconisation est un ensemble de cinq réunions entre les représentants des cirques présents régulièrement dans la capitale et les élus.

Ainsi, la maire de Paris, qui n’hésite pas à prendre des décisions politiques qui ne font pas l’unanimité, refuse en revanche de faire plus que de dialoguer lorsqu’il s’agit des cirques avec animaux sauvages, alors qu’une majorité de nos concitoyens est opposée à la présence de ces animaux sous le chapiteau… Du côté des parlementaires, selon la députée Claire O’Petit, la transition vers des spectacles sans animaux d’espèces sauvages aurait des chances d’être approuvée par l’Assemblée nationale, mais la partie serait loin d’être gagnée au Sénat. Pour la première fois, un groupe de réflexion sur la condition animale va être créé très prochainement dans la chambre haute. Espérons que les sénateurs membres de ce groupe arriveront à convaincre leurs collègues sur cette question de société.

Nikita Bachelard

* Voir l’article de Pierre Plottu, « EXCLUSIF - Pour des cirques sans animaux sauvages : 20 organisations en appellent au gouvernement », France Soir, 21 novembre 2018. 

Article publié dans le numéro 100 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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