Colloque: « Bien-être animal: quelles informations pour le consommateur? »

De gauche à droite : Louis Schweitzer, président de la LFDA, Loïc Dombreval, député, Matthieu Riché, directeur RSE du groupe Casino.

Le jeudi 13 juin s’est tenu à Sciences Po le premier colloque du groupe de travail de la clinique de l’École de droit sur la labellisation du bien-être animal, co-organisé avec l’association InfoTrack. L’événement était l’occasion de présenter plus en détail la démarche qui a conduit à la formation du projet. Cette première rencontre entre les participants au projet et l’ensemble des parties prenantes a également fourni le cadre d’échanges sur le riche sujet de la labellisation et de l’étiquetage du bien-être animal sur les produits d’origine animale (viande, œufs, produits laitiers et poisson).

Faciliter l’émergence d’une information de qualité au consommateur

La législation en matière de bien-être des animaux d’élevage est tournée vers une réglementation de seuils minimaux qui a laissé beaucoup de place à l’élaboration de normes volontaires supérieures. Les acteurs souhaitant agir plus pour les animaux se sont donc mobilisés et ont entrepris des démarches volontaires d’amélioration du traitement des animaux à tous les stades de la production. L’émergence de ces démarches volontaires a eu pour conséquence un déplacement du débat : de la réforme de la réglementation ayant trait au bien-être animal réclamée auprès des acteurs publics (droit « dur »), l’action s’est déportée sur le champ de l’information au consommateur, en collaboration avec les acteurs privés (droit « mou »).

L’amélioration des pratiques par une meilleure information aux consommateurs répond à un raisonnement de nature économique, selon lequel une augmentation de la demande des consommateurs pour des produits plus respectueux du bien-être animal entraînera un changement des modes de production en amont. Toutefois, l’efficacité de cette démarche de changement par les comportements de consommation dépend pour grande partie de la possibilité pour les acteurs concernés de distinguer leurs produits sur le marché auprès des consommateurs par la communication d’une information de qualité. En l’absence d’une information crédible, il est en effet à craindre qu’une crise de confiance ne s’installe avant même que l’efficacité d’une réglementation des modes de production par l’information dans le domaine du bien-être animal ait pu être éprouvée. Or, le contexte actuel est celui d’une prolifération de l’information au consommateur en matière de bien-être animal, laissant présager l’avènement d’une telle crise de confiance.

En effet, depuis une dizaine d’années, la multiplication des initiatives prises par les acteurs économiques en faveur de normes supérieures de bien-être animal a conduit à l’élaboration de différents modes de communication aux consommateurs. Trois types de communication peuvent être retenus :

  • l’étiquetage des modes de production, tel qu’imposé par la réglementation européenne pour les œufs coquilles, et faisant l’objet d’engagements volontaires pour d’autres produits (notamment la volaille).
  • les labels et certifications informant sur le niveau de bien-être animal – y compris les labels multifactoriels, traitant d’une pluralité de dimensions, dans lequel le bien-être animal n’est qu’un objet parmi d’autres.
  • et plus largement ce que le vocabulaire de la régulation publicitaire dénomme allégations, c’est-à-dire  toute revendication, indication ou présentation utilisées pour la publicité d’un produit.

Fixer le cadre de la délivrance de cette information donnée au consommateur de sorte qu’elle soit pertinente, intelligible et crédible est devenu une nécessité. Partant de ce constat, le projet Sciences Po/InfoTrack a pour objectif de fournir un cadre à la production et communication de cette information par le biais d’une liste de principes directeurs. Ces principes ont été élaborés en consultation avec l’ensemble des parties prenantes engagés aux différents stades de la production de cette information : puissance publique, chercheurs, acteurs économiques privés et associatifs.

Le groupe de travail SciencesPo/InfoTrack

Le groupe de travail sur la labellisation du bien-être animal a été formé en 2017 dans le cadre de la Clinique de l’École de droit de Sciences Po, un programme qui a pour objectif de permettre aux étudiants de mener des projets pratiques et d’intérêt public durant leur deuxième année de Master. Au sein du programme de la Clinique, le groupe de travail « labelliser le bien-être animal » est rattaché à une formation sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Démarré à la rentrée 2017 sur initiative d’Aude-Solveig Epstein, le projet a été renouvelé une deuxième année en parallèle de la fondation de l’association InfoTrack venant soutenir le travail de terrain mené par les étudiants. En 2018, le travail des étudiants a été récompensé par le Prix de la Fondation Mainguené pour des « prises de conscience éthique », sans lequel la reconduite du projet et l’événement n’auraient pu être possibles. Le groupe de travail compte actuellement neuf participants, parmi lesquels des étudiants de la Clinique, des jeunes diplômés en droit et affaires internationales, pour certains anciens étudiants de la Clinique et occupant aujourd’hui des fonctions au sein de l’association InfoTrack.

Les « Principes Directeurs »

Le groupe de travail a mis sur pied une liste de trente recommandations adressées à toute partie prenante fournissant des information au consommateur en matière de bien-être animal et qui constituent à la fois un référentiel pour la création de futurs labels et une grille d’évaluation rapide et objective des allégations et labels existants en vue de leur amélioration. Ces principes directeurs sont le fruit de deux ans de travail de recherche et de terrain auprès de l’ensemble des parties prenantes, de façon à rendre pleinement compte des savoirs des différentes professionnels du champ de l’information au consommateur (vétérinaires, juristes, éleveurs, etc.). Un prochain rendez-vous aura lieu en novembre, avec pour objectif la présentation d’une version définitive des principes prenant en compte le retour de l’ensemble des personnes interrogées dans le cadre de ce projet.

La version finalisée des principes directeurs constituera le socle d’une benchmark des différentes initiatives d’information au consommateur en matière de bien-être animal existantes sur le marché français.

Alice Di Concetto

Lauréate du Prix de Droit 2018 de la LFDA

Article publié dans le numéro 102 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences

ACTUALITÉS