La labellisation cruelty free et végane des produits cosmétiques

L’Union européenne a interdit les tests sur les animaux pour les produits cosmétiques. Pourtant, de plus en plus de produits arborent un label cruelty free ou végane.

Le droit européen encadre strictement les tests toxicologiques sur animaux dans le cadre de la commercialisation des cosmétiques. Pour autant, certaines dérogations à l’interdiction de pratiquer des tests sur animaux existent, laissant la possibilité de voir certains produits et ingrédients cosmétiques testés sur animaux en Union européenne. De plus, l’usage de produits d’origine animale, tels que la lanoline ou le carmin, sont autorisés en droit européen. Partant de ce constat, une multitude de labels véganes et cruelty free se sont développés afin de répondre aux attentes des consommateurs soucieux des enjeux de protection animale.

Rappel du droit en matière d’expérimentation animale

Le règlement 1223/2009 relatif aux produits cosmétiques interdit, en son article 18, « la mise sur le marché des produits cosmétiques dont la formulation finale […] ou dont les ingrédients ou des combinaisons d’ingrédients […ont] fait l’objet d’une expérimentation animale au moyen d’une méthode autre qu’une méthode alternative […]. »  Cette interdiction a pris effet le 11 juillet 2013. Le droit européen interdit donc à la fois les tests de cosmétiques finis et de leurs ingrédients sur animaux ainsi que la commercialisation de tels produits.

Cependant, le règlement 1907/2006 sur l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques (REACH) autorise les tests sur animaux concernant des substances présentes dans des ingrédients multi-usages, tels que les conservateurs, parfums, solvants, ou encore filtres solaires qui sont utilisés en cosmétique mais également dans une multitude d’autres secteurs comme la pharmacie, la chimie ou l’alimentaire. Au titre de ces usages autres que cosmétiques, ces ingrédients peuvent faire l’objet de tests toxicologiques sur animaux. De plus, le règlement REACH autorise les tests sur animaux pour les cosmétiques finis ainsi que leurs ingrédients si ces tests ont pour objectif de garantir la santé ou la sécurité des travailleurs en contact avec des quantités industrielles de ces produits, ainsi que pour garantir la protection de l’environnement. Ainsi, même si en théorie les tests sur animaux sont interdits dans la filière cosmétique, dans les faits, cette pratique persiste parfois pour les ingrédients des produits.

Lire aussi: « Remise en cause de l’interdiction de l’expérimentation animale en cosmétologie ? », revue n°107 (octobre 2020)

La restriction des tests sur animaux a conduit les politiques publiques européennes en matière de recherche à encourager le développement de méthodes alternatives aux tests sur animaux, notamment par le biais d’investissements publics dans la recherche scientifique. De même, l’Union européenne (UE) a créé en 2011 un organisme chargé de valider ces méthodes alternatives à l’expérimentation animale : le Centre européen pour la validation de méthodes alternatives (ECVAM selon son acronyme anglais). Déjà 33 méthodes alternatives ont été validées par ECVAM. Cependant, le processus de validation d’une méthode alternative est lent au regard des besoins de l’industrie, de sorte que les tests sur animaux peuvent encore exister s’agissant des ingrédients cosmétiques.  

Les tests sur animaux subsistent également en raison des législations étrangères. Certains pays, comme les États Unis, ne prévoient pas d’interdiction de produits cosmétiques testés sur animaux dans leur droit fédéral si bien que les marques voulant commercialiser leurs produits dans certains États fédérés peuvent procéder à des tests sur les animaux. Ainsi, un même produit cosmétique fini qui ne sera pas testé sur des animaux dans l’UE pourra l’être dans un pays étranger.

Des labels pour compenser le manquement de la réglementation

Un consommateur de cosmétiques dans l’UE ne peut donc pas être certain, dans l’état du droit européen actuel, que les produits qu’il achète ne proviennent pas de marques procédant à des tests sur animaux, qu’il s’agisse de tester les composants de cosmétiques commercialisés en UE, ou les cosmétiques finis testés à l’étranger. Certaines ONG ont donc créé des labels afin d’informer les consommateurs sur l’impact en matière de bien-être animal des produits qu’ils achètent. Tous les labels ne se valant pas, il est possible de distinguer deux grandes catégories de labels dans le domaine des cosmétiques : les labels véganes et les labels cruelty free (sans cruauté, en anglais).

Labels véganes et labels cruelty free

Il n’existe pas de définition réglementaire, ni en droit européen, ni en droit français, du terme « végane ». Cependant, on entend communément par produits cosmétiques véganes des produits ne contenant pas d’ingrédients d’origine animale – cire et miel d’abeille, produits laitiers, carmin, collagène, etc. Les labels « véganes » portent donc avant tout sur la composition des produits cosmétiques. Pour autant, presque tous les labels véganes pour cosmétiques dont les produits sont commercialisés en Europe apportent des garanties en matière de méthode de production, en assurant également l’absence de tests sur les animaux, qui constitue le critère d’entrée des labels cruelty free. Autrement dit, l’immense majorité des labels véganes ne comprennent pas de produits animaux et certifient l’absence de tests sur animaux. 

Quant aux labels cruelty free, ceux-ci garantissent l’absence de tests sur les animaux et, selon les niveaux, l’absence de produits animaux. Ainsi, si les cosmétiques véganes garantissent toujours l’absence de composants d’origine animale, les labels cruelty free s’attachent avant tout à garantir l’absence de tests sur animaux. 

Les labels offrant beaucoup de garanties

Du côté des labels véganes, le label EVE VEGAN a été créé par le certificateur français Expertise Végane Europe. Ce label certifie à la fois des matières premières, des produits et services dans les domaines de l’alimentaire, de la cosmétique et du textile. L’obtention du label est conditionnée à l’évaluation du dossier complet relatif au produit fini et un audit du site de fabrication. Tout opérateur certifié est également soumis à un programme de surveillance comprenant des campagnes d’échantillonnage et d’audit inopiné. Les produits finis certifiés EVE VEGAN ne doivent contenir aucune matière première d’origine animale à tous les stades de la production, aucun auxiliaire de fabrication d’origine animale, et ne doivent pas avoir fait l’objet de tests sur animaux moins de sept ans avant certification par l’entreprise ou une entreprise sous-traitante. Enfin, les emballages ne doivent pas contenir de produits d’origine animale. Cependant, le système d’audits exclut de son champ d’application les sites de production des fournisseurs. De plus, le label EVE VEGAN ne certifie pas une marque entière, qui est donc autorisée à avoir une activité mixte, c’est-à-dire à produire des biens ou services non véganes en parallèle.

Dans la catégorie des labels cruelty free, le label Leaping Bunny offre de grandes garanties sur une marque entièrement certifiée. Ce label fait figure de leader de la certification pour les cosmétiques et produits ménagers cruelty free et a été développé par neuf ONG nord-américaines emmenées par Cruelty Free International et regroupées au sein de la Coalition pour l’information des consommateurs sur les cosmétiques (CCIC). Le cahier des charges exige des fabricants qu’ils ne conduisent pas d’expérimentation animale, s’agissant du produit comme des composants. Le fabricant ne peut pas non plus faire appel à un fournisseur ou entreprise tierce ayant pris part à des tests sur animaux après la date de début de labellisation et doit s’engager à ne pas commissionner des tests sur animaux auprès de tiers. L’entreprise doit également prévoir un système d’inspection interne des fournisseurs et transmettre les informations recueillies à la CCIC, tels que des déclarations de mise en conformité des produits ou des matières premières de chaque fournisseur, et est soumise dans tous les cas à un audit indépendant. La certification est valable pour un an seulement et doit donc être renouvelée annuellement. Enfin, si le CCIC ne rend pas son cahier des charges public, le site du Leaping Bunny Program met à disposition les normes à respecter.

Ce label cherche ainsi à éradiquer les tests sur animaux sur l’ensemble de la chaîne de production d’une marque. L’objectif de l’ONG Cruelty Free International est ambitieux : il s’agit d’encourager les entreprises souhaitant être labellisées à se défaire des tests sur animaux, et non pas simplement de transformer les habitudes des consommateurs. 

Cependant, le label le plus strict présent sur le marché des cosmétiques combine les deux catégories. Ainsi, l’association Peta (People for the Ethical Treatment of Animals) a développé un label cruelty free et végane qui assure que la marque entière ainsi que ses fournisseurs ne font pas de tests sur animaux en Europe et sur les marchés étrangers, et que les produits et leurs emballages ne contiennent aucun ingrédient dérivé d’animaux. En revanche, le cahier des charges de ce label n’est pas accessible, ce qui reste un point négatif pour toute certification.

Les labels offrant moins de garanties

En ce qui concerne les cosmétiques véganes, une multitude de labels ont émergé offrant tous les mêmes garanties au consommateur. Ainsi, les associations Vegetarian Society, Vegan Society, Vegan Action et VEGANOK ont toutes des cahiers des charges très similaires pour labelliser les produits. Ces certifications assurent l’absence de tests sur animaux en Europe et à l’étranger et l’absence d’ingrédients d’origine animale dans le produit et dans l’emballage. En revanche, elles n’obligent pas à effectuer des audits réguliers ou n’effectuent pas des contrôles très poussés une fois le label obtenu.

Il est à noter que le label VegeCert Vegan, développé par le certificateur VegeCert, est le seul label végane qui ne mentionne pas l’interdiction des tests sur animaux et l’absence de produit d’origine animale dans les emballages dans ses standards. Il certifie par exemple les marques Adams Handmade Soap, Amâz Skincare ou Lumineux Oral Essentials.

Du côté des labels cruelty free, le label One Voice T garantit que les marques en faisant usage se sont engagées à ne pas tester sur les animaux et à ne pas commercialiser leurs produits dans des pays où les tests sur animaux sont obligatoires. L’adhésion au label se fait par simple envoi de formulaire sur la base d’un engagement de l’entreprise. Les spécifications du cahier des charges sur lesquelles repose le label sont imprécises et l’obtention du label n’est soumis à aucun système d’inspection indépendante, type certification par un tiers.

Les labels de niche

Certains labels de niche existent, à l’image du label One Voice C, qui garantit l’absence d’exploitation des singes dans la récolte des noix de coco servant à la production de cosmétiques, suivant la volonté de l’association de s’engager contre le travail animal dans la confection d’un produit.

Globalement, ce qui semble primer dans la distinction des labels entre eux, sont à la fois les niveaux de critères demandés par l’organisme créateur du label, mais aussi la qualité et la récurrence des contrôles, qui pour certains se font simplement sur la base des recettes ou procédés de production, quand d’autres doivent ouvrir leurs usines à des organismes d’audit indépendants. Le label semblant le plus fiable parmi les labels cruelty free étudiés semble être le label Leaping Bunny développé par Cruelty Free International. Quant aux consommateurs refusant d’utiliser des cosmétiques contenant des produits issus de l’exploitation d’animaux, se diriger vers le label cruelty free végane développé par Peta paraît être l’option la plus sûre, même si dans ce domaine presque tous les labels se valent.

Afin d’encourager la transition vers une consommation de cosmétiques plus respectueux du bien-être animal, il faudrait communiquer clairement sur les différents labels auprès du public. Cela passe à la fois par la publication claire et précise des cahiers des charges de chaque label, et la nécessité de mettre un terme à la multiplication de labels proposant des garanties équivalentes, dans la mesure où une telle inflation de labels ne fait qu’augmenter la confusion des consommateurs.

Irina Jameron

Annexe 1 : Tableau récapitulatif des principaux labels véganes et leur cahier des charges

Annexe 2 : Tableau récapitulatif des principaux labels cruelty free et leur cahier des charges

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