Première évaluation officielle des atteintes à l’environnement en France

Le ministère de l’Intérieur a publié pour la première fois une évaluation des atteintes à l’environnement enregistrée entre 2016 et 2021. Cette analyse statistique permet de mieux comprendre les enjeux de la protection de l’environnement.

Les atteintes à l’environnement prennent des formes diverses. Il peut s’agir de pollution (de l’air, de l’eau, du sol…), de transport ou de déversement de déchets, du commerce ou de la détention d’espèces de faune ou de flore sauvages protégées, de pratiques de chasse ou de pêche illicites, d’exploitation minière illégale, de destruction d’individus d’espèces protégées, du non-respect des actes de prévention aux atteintes à l’environnement…

Pour la première fois, le ministère de l’Intérieur a réalisé une analyse statistique des atteintes à l’environnement. Publiée en mai 2022, elle couvre la période 2016-2021. Pour rappel, il n’existe toujours pas de crime contre l’environnement (voir l’article « L’écocide en débat » dans le supplément Faune sauvage du n° 111 de cette revue). L’analyse porte donc sur les délits et les contraventions enregistrés par les services de la police et de la gendarmerie nationale, ainsi que d’autres administrations comme les directions départementales des territoires et de la mer, l’Office français de la biodiversité et les douanes.

Les atteintes à l’environnement en 2021

Hausse des atteintes à l’environnement

En 2021, près de 31 400 infractions à l’environnement ont été enregistrées en France, soit 7 % de plus qu’en 2016. Soixante-deux pour cent des infractions sont des contraventions et 70 % de ces dernières sont de quatrième classe, pouvant aller jusqu’à 750 euros d’amende.

Les infractions pour atteintes à l’environnement sont réparties comme suit :

  • 45 % sont des atteintes aux ressources naturelles (elles regroupent notamment le non-respect des règles de chasse et de pêche, ainsi que l’exploitation forestière et minière illégale) ;
  • 34 % sont des atteintes aux animaux ;
  • 11 % concernent le non-respect des actes de prévention des atteintes à l’environnement ;
  • 4 % sont des atteintes impliquant les déchets ;
  • 4 % concernent la pollution ;
  • et enfin, 1 % des infractions vise des espèces de faune et flore protégées.

Répartition géographique

En toute logique, les infractions ont majoritairement lieu dans des zones rurales ou périurbaines. Ainsi, 64 % des infractions en 2021 ont été commises sur des espaces ne couvrant que 35 % de la population française, mais 90 % du territoire national. Et pour cause, les infractions sont bien souvent liées à un environnement particulier. L’exploitation forestière ou la chasse, par exemple, ne peuvent se faire qu’en milieu rural avec une prédominance de ressources naturelles. Cependant, les zones urbaines de plus de 50 000 habitants (et a fortiori Paris) concernent malgré tout 23 % des atteintes à l’environnement, ce qui s’explique notamment par la présence de douane (aéroports), qui effectuent des constatations sur les espèces protégées. La région qui présente le plus haut taux d’atteintes à l’environnement est la Guyane, principalement à cause de l’exploitation minière illégale.

Profil des plaignants

Le profil des plaignants se base sur les données de la gendarmerie et de la police nationale. Ils sont 7 647 pour l’année 2021 et 58 % d’entre eux ont dénoncé des atteintes visant les animaux. Les plaignants étaient des personnes morales (dont des associations, des services de l’État) pour 46 % d’entre eux. Ces personnes morales sont à l’origine de 86 % des plaintes concernant les espèces protégées et 83 % des plaintes concernant la chasse ou la pêche.

Profil des mis en cause

Les mis en cause sont majoritairement des particuliers (92 %). Parmi eux, 60 % ont entre 30 et 59 ans et 86 % sont des hommes. Les personnes morales ne concernent que 8 % des plaintes déposées.

Les animaux durement touchés

Les animaux font largement les frais des mis en cause pour atteintes à l’environnement : 34 % concernent des actes visant les animaux. Il faut y ajouter les infractions à la réglementation sur la chasse ou la pêche – 13 % des infractions totales mais qui ne touchent pas toutes nécessairement directement les animaux, comme un défaut de permis par exemple – et à celle sur les espèces animales protégées (1 % pour les espèces animales et végétales protégées).

Évolution des atteintes aux animaux

Les infractions liées aux animaux (hors chasse, pêche et espèces protégées) ont augmenté de 16 % entre 2016 et 2021, passant de 9 236 à 10 754. Pour les infractions à la législation sur les espèces protégées, la hausse s’élève à 13 %, passant de 411 à 464. Selon l’étude, ces hausses importantes peuvent s’expliquer notamment par une plus forte sensibilité de la population à la cause animale, entrainant une hausse des dépôts de plainte. En revanche, les infractions aux règles de chasse et de pêche ont diminué de 18 % (mais s’élèvent tout de même à 4 151, contre 5 066 en 2016).

Le commerce d’espèces animales protégées

Au pourcentage d’atteintes aux espèces protégées, s’ajoutent également 371 constatations concernant la législation sur le commerce international de faune et de flore sauvage menacée d’extinction (Convention de Washington ou Cites) réalisées par les douanes en 2021. Parmi celles-ci, 23 % concernent des animaux morts, 20 %, des coquillages et des coraux, 19 %, du caviar, 12 %, des animaux vivants, complétées par des fourrures et des peaux d’animaux (8 %), de l’ivoire (3 %) et des animaux empaillés (2 %). Près du tiers (32 %) des constatations ont été réalisées à l’aéroport de Roissy.

Profils des plaignants et mis en cause à propos des animaux

Les plaignants pour des délits visant les animaux sont très majoritairement des particuliers (75 %). Les 25 % restant sont généralement des associations de protection animale.

Les hommes représentent 73 % des mis en cause pour des infractions relatives aux animaux et 95 % pour des infractions relatives à la chasse et à la pêche.

Agir contre les atteintes à l’environnement

L’analyse des infractions relatives aux atteintes à l’environnement révèle une hausse des atteintes enregistrées, ou en tout cas une plus forte mobilisation de la société civile (particuliers et associations), ainsi qu’un investissement croissant des services de l’État. La question des sanctions reste néanmoins en suspens. Sont-elles suffisamment dissuasives ? L’analyse ne fournit pas d’information sur la récidive. En tout cas, ces sanctions ne sont pas corrélées avec une baisse des infractions, au contraire. Les animaux, comme les milieux naturels, font toujours les frais de ceux qui, sans scrupules, détruisent l’environnement. Heureusement que les organisations de protection de la nature se mobilisent, notamment à travers des actions en justice. Les particuliers peuvent aussi agir de leur côté, en signalant toute atteinte suspectée à l’environnement à la gendarmerie nationale, via un formulaire sur son site Internet.

Nikita Bachelard

ACTUALITÉS