Pour plus de sécurité à la chasse, au bénéfice des humains et des animaux

Améliorer la sécurité à la chasse est indispensable pour les humains, mais comporte également de nombreux bénéfices pour les animaux.

De nombreux accidents liés à la chasse ont lieu chaque année en France, malgré une diminution significative en vingt ans. Sur la saison 2020-2021, 80 accidents ont été recensés, dont 7 mortels (en baisse par rapport à l’année précédente, ce qui s’explique notamment par les périodes de confinement dues à la crise sanitaire). Les résultats d’un sondage Ipsos pour One Voice réalisé en 2021 ont d’ailleurs démontré l’inquiétude d’une bonne partie de l’opinion publique face à cette problématique : 83 % des Français interrogés estiment que la chasse pose des problèmes de sécurité pour les promeneurs.

Par principe, la chasse est aussi mortelle pour un grand nombre d’animaux : environ 22 millions d’animaux sont tués chaque année (données de la saison 2013-2014). Ce chiffre est sous-estimé car il correspond à l’addition des estimations d’animaux chassés pour seulement 60 espèces chassables sur 89 en France.

Après que le collectif « Un jour, un chasseur » a lancé une pétition sur le site du Sénat pour demander davantage de sécurité liée à la chasse, la chambre haute du Parlement a décidé de mener une mission conjointe de contrôle sur la sécurisation de la chasse au premier semestre 2022. Dans ce cadre, il est légitime de se demander comment réduire l’insécurité à la chasse et si cela serait aussi bénéfique pour les animaux.

Le Sénat se penche sur l’insécurité à la chasse

La question de la sécurité à la chasse n’est pas récente mais fait de plus en plus couler d’encre (voir la revue n° 112, p. 19). C’est une affaire tristement connue, datant de décembre 2020, qui a mené le Sénat à se saisir d’une mission d’information. Morgan Keane, un jeune homme de 25 ans, coupait du bois dans son jardin lorsqu’il a reçu une balle en plein thorax. Le chasseur l’a apparemment confondu avec un sanglier. Ses amies, endeuillées, ont alors créé le collectif « Un jour, un chasseur » pour collecter et dénoncer les affaires d’insécurité, d’incidents ou d’accidents à la chasse. Ce collectif a déposé une pétition sur la plateforme du Sénat en septembre 2021 : « Morts, violences et abus liés à la chasse, plus jamais ça ». Le collectif propose plusieurs réformes : le dimanche et mercredi sans chasse, une formation plus stricte des chasseurs, le renforcement des règles de sécurité, un contrôle et un suivi des armes de chasse et des comportements à risque, des sanctions pénales à la hauteur des délits commis, la libération de la parole et la reconnaissance des victimes de la chasse par l’État. En quelques semaines, les 100 000 signatures nécessaires ont été recueillies et le Sénat a décidé de s’emparer du sujet. Depuis février 2022, plusieurs accidents sont venus ponctuer la mission du Sénat. C’est notamment le cas de l’accident, dans le Cantal, d’une jeune femme de 25 ans, tuée devant les yeux de son compagnon par le tir d’une chasseuse de 17 ans.

Pour pallier cette insécurité, les propositions ne manquent pas, comme ont pu le constater les sénateurs lors des auditions.

Les solutions envisagées

Instaurer une trêve cynégétique hebdomadaire

D’après le sondage Ipsos mentionné en introduction, 82 % des sondés sont favorables à deux jours de trêve cynégétique par semaine (dont le dimanche), ainsi que durant les vacances scolaires. L’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) déplore que les principaux accidents de chasse se produisent le dimanche. L’ASPAS affirme que 60 % des accidents de chasse surviennent ce jour, qui est généralement consacré aux activités familiales. De nombreuses organisations de défense des animaux, à l’instar du collectif « Un jour, un chasseur » et de la LFDA, demandent à ce que deux jours de trêve cynégétique soient instaurés en France. Ces jours sans chasse permettraient aux promeneurs et autres usagers de la nature d’effectuer leurs activités sans risquer de se faire tirer dessus.

Éloigner la chasse des habitations et de la route

La mise en place d’une distance de sécurité au moins égale à la portée des armes utilisées entre le lieu où se pratique la chasse et les routes et habitations est demandée par la plupart des ONG de protection de la nature et le collectif « Un jour, un chasseur ». Cette requête s’explique par les accidents et incidents toujours trop nombreux qui se produisent chaque année aux abords des routes et habitations, et dont les médias se font le relai. Par exemple, en 2021, un homme a découvert un sanglier couvert de sang dans son salon. L’animal avait brisé les baies vitrées et était entré dans la maison – saccageant tout sur son passage – pour se protéger de la vingtaine de chiens de chasse le poursuivant de près et s’invitant également dans le salon. Grâce à cette interdiction, ce cas ne devrait plus exister. Les accidents de voiture causés par un choc entre le gibier et les automobilistes pourraient également être réduits. 

Réduire la portée des armes de chasse

L’utilisation d’armes de longue portée pose question. Il est nécessaire de voir l’animal distinctement avant de pouvoir tirer, afin de bien l’identifier (différencier un sanglier d’un humain, mais aussi ne pas confondre une espèce chassable avec une espèces protégée). Comme l’informe l’ASPAS, les carabines à canon(s) rayé(s) ne sont précises qu’à 300 mètres en moyenne mais sont cependant dangereuses dans un rayon de 3 km autour du tireur. Si la cible se situe à plus de 300 mètres, il y a donc un risque que l’animal ne soit pas atteint à l’endroit visé et puisse être gravement blessé, ou que n’importe quel être vivant se situant sur la trajectoire de l’arme dans les 3 km soit atteint.

Interdire la chasse en état d’ébriété

Pour l’association Humanité et Biodiversité, en cas de manquement, négligence, imprudence avérée, la suspension du permis de chasse devrait être systématique.

De même, chasser en état d’ébriété devrait entraîner une suspension immédiate du permis de chasse, ce qui n’est pas le cas actuellement. Cette décision interviendrait en tant que sanction mais également afin d’éviter toute récidive et afin de protéger la société.

Cependant, comme il est possible de chasser sur un domaine privé, le contrôle est complexe.

La reconnaissance de la responsabilité du garde-chasse (personne en charge du respect des lois et règlements sur la chasse) en cas d’accident causé par les chasseurs permettrait d’éviter le copinage : les gardes chasse seraient alors moins tentés de couvrir les infractions faites par des chasseurs et surveilleraient de manière accrue le déroulement de la chasse.

Imposer des sanctions exemplaires et cohérentes

D’après la présidente de la mission conjointe du Sénat lors d’une audition, des associations « s’interrogent sur le traitement effectif des plaintes et sur les sanctions prononcées ». Concernant la non-prise en compte des plaintes, ce phénomène est démenti par la sous-directrice de la justice pénale générale du ministère de la Justice, qui explique qu’il n’a pas été porté à sa connaissance des situations de refus de plainte dans ce genre de situation. Pour les cinq dernières années, le nombre moyen d’affaires nouvelles d’homicide involontaire et blessures involontaires est de 125. Concernant les suites judiciaires, il existe, selon elle, un taux de poursuite avoisinant les 100 % pour les homicides involontaires et 57 % pour les blessures involontaires.

Globalement, une plus grande sévérité des sanctions pénales effectives entraînerait certainement une vigilance accrue des chasseurs et donc une diminution des accidents. En effet, les peines généralement prononcées sont assorties de sursis. Cette faible sanction s’explique par le fait que la faute du tireur soit non intentionnelle.

Enfin, de nombreux meurtres – notamment conjugaux – sont perpétrés par des individus possédant une arme de chasse. Se pose alors la question du sérieux de la procédure de délivrance du permis de chasser. Il est donc nécessaire de vérifier l’état physique et psychique du candidat avant de lui octroyer son permis de chasse, avec l’instauration d’un certificat médical d’aptitude à renouveler chaque année.

De surcroît, comme le propose notamment Violaine Perrot, substitut du procureur à la cour d’appel de Besançon, assimiler les violences faites aux êtres humains et celles faites aux animaux en matière de récidive permettrait de prévenir certaines infractions.

Admettons qu’un individu commette un acte de cruauté envers un animal en 2020, puis soit jugé et condamné. Si, en 2022, il commet des violences volontaires à l’égard de son/sa conjoint(e), la récidive pourrait s’appliquer. L’intérêt serait que le droit pénal ait pour objectif de s’intéresser à l’amélioration du comportement global du délinquant.

Ce lien de corrélation entre violences faites aux animaux et violences faites aux humains a notamment été relevé par la revue scientifique Research in Veterinary Science ainsi que de nombreux autres articles (voir notre revue n° 96, p. 11).

Conséquences sur les animaux

Certaines solutions envisagées peuvent avoir un impact sur les animaux, le plus souvent positif. La mise en place de deux jours sans chasse laisserait un peu de répit à la faune sauvage et limiterait sûrement le nombre d’animaux tués, en postulant que le déport sur les autres jours ne compense pas ces jours sans chasse.

La nécessité d’une distance minimale entre les parties de chasse et les routes limiterait les collisions dont peuvent être victimes les animaux sauvages en fuite.

De plus, une réduction de la portée des armes de chasse diminuerait les tirs trop « approximatifs » sans identification nette de l’animal visé, voire les tirs touchant par accident les animaux non visibles mais sur la trajectoire d’une balle perdue. Cela pourrait permettre de limiter le nombre d’animaux blessés non mortellement ou mortellement mais non instantanément, réduisant donc la souffrance animale.

En revanche, la suppression des armes de longue portée peut potentiellement avoir aussi un impact négatif sur la condition animale. En effet, les armes de longue portée sont de plus gros calibre et donc de nature à tuer instantanément l’animal visé lorsqu’il est touché. Diminuer la portée des armes pourrait impliquer l’utilisation d’armes de plus petit calibre n’entrainant pas la mort de l’animal au premier coup et augmentant donc les cas d’agonie d’animaux.

Conclusion

Le retour de la mission conjointe du Sénat est attendu pour le mois de septembre. Cependant, il se pourrait que le résultat soit décevant, aussi bien pour le collectif « Un jour, un chasseur » que pour les ONG de protection animale. La demande principale de la pétition – la mise en place d’une trêve cynégétique deux jours par semaine – semble exclue. La restriction des armes les plus puissantes ne semble également pas envisagée. Il est par contre envisagé d’inscrire les règles de sécurité dans les schémas départementaux de gestion de chasse et de mettre en place un permis de chasse renforcé et une formation continue pour les chasseurs. Rien de bien révolutionnaire. Toutefois les défenseurs des animaux font preuve d’optimisme et ne vont pas se laisser abattre.

Solenn Martin

ACTUALITÉS