L’expérimentation sur les caméras en abattoirs se révèle très positive

L’expérimentation des caméras de surveillance dans les abattoirs, prévue par la loi, montre un réel intérêt du dispositif, selon l’administration.

caméra de surveillance

La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et pour une alimentation saine, durable et accessible à tous (appelée loi EGAlim ou loi Agriculture et alimentation) prévoit, dans son article 71, la mise en place d’un dispositif de contrôle vidéo en abattoir, à titre expérimental et sur la base du volontariat, pour une durée de 2 ans. L’objectif est de contrôler les conditions de mise à mort par saignée des animaux. Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a été chargé de mettre en place un comité de suivi de cette expérimentation et d’en tirer des enseignements. Le rapport, finalisé en juin 2021, a été rendu public en mai 2022.

Méthode d’évaluation de l’expérimentation

Un comité de suivi, présidé par le CGAAER et composé de professionnels de l’élevage et de l’abattage, d’industriels et d’organisations de protection animale, a été créé le 11 octobre 2019. La mission du comité était de définir les critères d’évaluation et de suivre l’avancée de cette expérimentation.

D’après la loi EGAlim, le dispositif de contrôle par vidéo concerne les postes de saignée et de mise à mort. Le comité a estimé qu’il fallait évaluer le dispositif de vidéo-contrôle sur les phases suivantes : la fin de l’amenée (des animaux vers le box de contention), la contention, l’étourdissement et la saignée.

Les abattoirs concernés par l’expérimentation ont procédé à un retour d’expérience via un questionnaire. En raison de la crise sanitaire du Covid-19, l’enquêtrice n’a pu effectuer que trois entretiens sur site et deux entretiens téléphoniques. Lors de ces derniers, elle n’a pas pu échanger directement avec le personnel placé aux postes contrôlés par les caméras. Les dirigeants, responsables qualité, responsables de la protection animale, inspecteurs vétérinaires et opérateurs ont été interviewés. Trois responsables qualités supplémentaires provenant d’abattoirs avec vidéosurveillance mais ne participant pas à l’expérimentation, ou bien d’abattoirs réfléchissant à acquérir des caméras, ont aussi été interrogés.

Participants à l’expérimentation

La participation des abattoirs à l’expérimentation se faisait sur la base du volontariat. Alors que selon l’association Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs (OABA), une cinquantaine d’abattoirs sont équipés de caméras en France, seuls deux établissements sur 270 abattoirs de boucherie et trois établissements sur 600 abattoirs de volailles et lagomorphes se sont portés candidats. Ces abattoirs avaient déjà des caméras à l’œuvre avant le démarrage de l’expérimentation, certains depuis plus de cinq ans. Les raisons évoquées pour expliquer le manque de volontaires sont les contraintes du dispositifs encadrés par décret pour aucun avantage en contrepartie. Ainsi, le critère de représentativité des abattoirs, en termes de tonnage et de dispositif de caméras n’est pas atteint, mais le comité de suivi a estimé que le retour d’expérience de ces établissements pouvait faire l’objet d’une analyse éclairante.

Les dispositifs de caméras étudiés

Deux types d’utilisation des caméras se distinguent : un usage en contrôle interne pour vérifier la condition animale aux différents postes (caméras axées sur les animaux) et un usage de formation pour les opérateurs (caméras axées sur les personnes). Pour les postes de déchargements et d’attentes, les angles de vue sont plus larges pour voir l’ensemble des animaux. Les images sont généralement exploitées en contrôle interne.

Les images sont accessibles par seulement quelques personnes habilitées. Elles sont enregistrées sur une courte durée car le stockage à long terme est lourd et coûteux. Les abattoirs interrogés ne déclarent aucune fuite d’images.

Les résultats de l’expérimentation

Le comité de suivi a constaté de multiples intérêts à la présence de caméras dans les abattoirs. Selon lui, l’exploitation des images permet d’améliorer les process, en permettant la détection de dysfonctionnements et la mise en place d’actions correctives et préventives. Les images peuvent aussi servir à la construction d’une formation interne des opérateurs pour caractériser les bons gestes à réaliser aux postes concernées. En revanche, les images ne sont pas montrées lors du déroulement des formations. En outre, le vidéo-contrôle permet d’améliorer l’efficacité et la pertinence des contrôles internes.

Concernant la maltraitance animale à proprement parler, les images captées par les caméras peuvent permettre la sanction d’un comportement inadapté. Elles permettent également de vérifier les conditions de déchargement et d’attentes des animaux avant leur mise à mort.

Sur l’aspect sociétal, les caméras dans les abattoirs participent à répondre aux exigences de certains clients. Il s’agit d’ailleurs d’une des principales raisons ayant poussé les participants à installer des caméras. Par exemple, pour répondre à la demande de transparence de la part des consommateurs, le groupe Carrefour a obligé ses partenaires à se doter de la vidéosurveillance dans les abattoirs dès la fin de l’année 2019. Enfin, il est noté que les images en continu obtenues laissent la possibilité de contextualiser des montages vidéo réalisés par des caméras clandestines.

Le rapport indique comme inconvénient le coût de l’installation des caméras et de leur maintenance, ainsi que l’opacité de fonctionnement pour les opérateurs, qui soulèvent le manque de transparence sur ce moyen de contrôle interne. Deux points de vigilance sont évoqués : la mise en place d’un accompagnement au changement pour les opérateurs, ainsi que la gestion du stockage des images, qui ne peuvent pas être conservés sur une longue durée.

Les conclusions de l’expérimentation

Les cinq abattoirs participant à l’expérimentation se déclarent satisfaits de ce dispositif qu’ils jugent utile pour vérifier la condition des animaux. Aucun ne souhaite s’en séparer. Les trois abattoirs ne participant pas à l’expérimentation mais interrogés dans le cadre de ce suivi se disent également satisfaits de la vidéosurveillance.

Le comité rappelle que les caméras sont un outil de contrôle, donc servent à vérifier si les procédures sont bien exécutées. Cet outil, qui effraie tant les salariés, est largement utilisé dans diverses industries agroalimentaires, à la différence que les caméras se focalisent sur des objets et non des animaux vivants. Le comité estime que les caméras doivent être centrées sur l’animal car c’est sa condition qui importe. S’il y a un besoin de retrouver l’opérateur qui le manipule, la date et l’horaire de la vidéo permettra de savoir qui était au poste au moment de l’incident. Selon le comité, puisque l’animal vivant est au centre du contrôle, les caméras doivent être disposées de façon à le suivre durant toute la durée de sa présence à l’abattoir.

En ce qui concerne le traitement des images, une intelligence artificielle devrait être en mesure de s’en occuper. Des outils seraient en cours de développement.

Lire aussi: « Intelligence artificielle et droit de l’animal », revue n°114 (été 2022)

Enfin, le comité estime que le dispositif de contrôle par vidéo est « très positif » et qu’il « convient d’en encourager la généralisation ». Il souligne qu’une aide de l’État sera sans doute cruciale pour y parvenir.

Nikita Bachelard et Solenn Martin

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