CR: À quoi pensent les abeilles ?

Mathieu Lihoreau, humenSciences, collection mondes animaux, 224 p., 2022 (18 €)

Mais d’abord, les abeilles pensent-elles ?

Mathieu Lihoreau, qui dirige une équipe de recherche au CNRS à Toulouse, répond à cette question (positivement) et à une multitude d’autres dans son ouvrage. Spécialiste des insectes, il nous éclaire, à travers plusieurs chapitres, sur les capacités de ces insectes bourdonnants. Grâce aux données de la science, qu’il vulgarise brillamment, et au récit d’anecdotes passionnantes, il nous emmène explorer le cerveau des abeilles, mais pas seulement. En effet, le lecteur en apprendra également sur les bourdons, les frelons, les termites, les mouches, mais aussi les cafards, et cela non sans humour.

Mathieu Lihoreau revient bien sûr sur la célèbre « danse des abeilles », qui permet aux butineuses d’indiquer à leurs collègues un lieu de récolte intéressant par le biais d’un frétillement exécuté par rapport à l’axe du soleil. Cette danse, dont l’explorateur le plus connu, Karl von Frisch, reçut le prix Nobel en 1973, a très tôt permis de teinter les abeilles d’une aura de fascination. Non seulement utiles aux agriculteurs pour leur travail de pollinisation, elles s’avéraient en plus particulièrement intelligentes. Comment un si petit cerveau peut-il concevoir un concept aussi complexe ? Même si les chercheurs n’atteignent pas encore un consensus clair sur l’étendue des capacités cognitives des insectes, Mathieu Lihoreau nous expose un argumentaire bien ficelé en faveur de ces petites bêtes à six pattes.

Lire aussi: Les insectes sont-ils sentients? par G. Riberolles, revue n°116, hiver 2023

Il reconnaît qu’une partie de la recherche effectuée sur ces animaux s’est faite de manière invasive, quelquefois même cruelle. Les anecdotes qu’il nous conte, les explications données sur ses recherches, montrent néanmoins qu’en faisant preuve d’ingéniosité – et de beaucoup de patience –, on peut étudier ces insectes en respectant leur sensibilité.

L’auteur nous parle des sociétés des insectes, si différentes des nôtres et pourtant si fonctionnelles. L’addition de chacun des individus les composant forment un « superorganisme ». Il nous décrit l’intelligence collective qui en émerge et dont les humains pourraient s’inspirer pour améliorer leurs propres démocraties. En se gardant d’anthropocentrisme, il nous expose qu’il est bien probable que les insectes aient une expérience subjective. Il nous parle des émotions des insectes et de leurs étonnantes capacités d’apprentissage. Il explique l’imagination chez les bourdons, l’altruisme chez certaines blattes, la manifestation de signes de conscience, les dialectes, la culture…

Enfin, il nous rappelle les menaces qui pèsent sur ces petits animaux, en particulier les produits chimiques, auxquels ils sont très sensibles. Dans ces colonnes, nous avons plusieurs fois évoqué les néonicotinoïdes, notamment… Au final, il s’agit d’une lecture intelligente, pédagogique et passionnante.

Sophie Hild

Lire aussi: Pesticides : les abeilles trahies par l’Europe, S. Hild, revue n°103, octobre 2019


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