Les extinctions massives d’espèces vivantes sur Terre

Extinction et dé-extinction des espèces : peut-on faire revenir à la vie celles qui ont disparu ? (partie 1 sur 4). Les espèces apparaissent et disparaissent. Aujourd’hui, par la faute de l’humain, beaucoup ont été exterminées ou sont en danger. Peut-on et doit-on faire revenir à la vie ces espèces disparues ? Commençons par revenir sur les extinctions massives qui ont touché notre planète, et celle que nous affrontons aujourd’hui.

Partie 1 : Les extinctions massives d’espèces vivantes sur Terre
Partie 2 : Ramener des espèces disparues à la vie : techniques existantes (à paraître)
Partie 3 : Ramener des espèces disparues à la vie : quels sont les intérêts et les risques? (à paraître)
Partie 4 : Ramener des espèces disparues à la vie : doit-on vraiment le faire? (à paraître)

Hart, F.; A Dodo; Royal Albert Memorial Museum; http://www.artuk.org/artworks/a-dodo-95640

Les « Big Five » : les cinq plus grandes extinctions de masse

Naturellement, en bruit de fond, les espèces disparaissent tandis qu’elles sont remplacées par de nouvelles. En tout, 4 milliards d’espèces sont ainsi apparues depuis les premières traces de la vie sur Terre il y a plus de 3,5 milliards d’années, et près de 99 % ont disparu (Barnosky et al., 2011).

Quelquefois, le déséquilibre est majeur. La vie sur notre planète a déjà connu de nombreuses crises de la biodiversité, bien avant que l’humain n’y apparaisse.  Elles sont caractérisées par une diminution forte dans la diversité des taxons (catégories) d’êtres vivants.

Les causes d’extinctions de masse sont diverses et quelquefois concourantes, expliquant l’ampleur des effets observée. Les plus connues sont les éruptions volcaniques et les impacts avec des objets extraterrestres (météorites). Elles résultent en des modifications atmosphériques et de température dramatiques auxquelles la vie s’est adaptée avec plus ou moins de succès (Bond & Grasby, 2017).

Cinq grandes extinctions se distinguent par la diminution massive du nombre d’espèces, ou comme il est plus communément utilisé dans les études paléontologiques, les taxons des niveaux « famille » et « genre ».

Pour information, dans la classification des espèces, l’humain (Homo sapiens) est du genre Homo et de l’espèce sapiens. Les autres espèces du genre Homo (Homme de Florès, de Néanderthal…) sont éteintes. L’échelon au-dessus, la famille, est celle des Hominidae, qui compte aussi par exemple le gorille et l’orang-outan. L’échelon encore au-dessus, l’ordre, est celui qui regroupe tous les primates.

La première grande crise a eu lieu entre l’Ordovicien et le Silurien (voir tableau). Un phénomène de glaciation en serait à l’origine (Sheehan, 2001). La vie était alors exclusivement marine et certains auteurs estiment qu’environ 85 % des espèces ont disparu (Jablonski, 1991 ; Bond & Grasby, 2017). Le deuxième épisode, vers la fin du Dévonien, serait dû à une succession de variations du climat et du niveau de la mer. La troisième et la plus massive des extinctions, l’extinction du Permien-Trias, aurait vu disparaitre 81 % des espèces marines et 70 % des espèces terrestres (Stanley, 2016). L’extinction du Trias-Jurassique aurait causé la disparition de 75 % des espèces marines. Pour finir, l’extinction Crétacé-Paléogène aurait entrainé la disparition d’environ 50 % des espèces, dont notamment les dinosaures non aviaires.

PériodeMillions d’années avant le présentDéclin du nombre de GenresDéclin du nombre de Familles
Fin de l’Ordovicien445– 49 %– 26 %
Fin du Dévonien380-360– 47 %– 22 %
Fin du Permien252-245 – 76 %– 51 %
Fin du Trias201– 40 %– 22 %
Fin du Crétacé66– 39 %– 16 %
Tableau. Pourcentages de diminution du nombre de genres et de familles des espèces marines lors des cinq grandes extinctions de masse (d’après Sheehan, 2001, selon Sepkoski, 1996). Ces chiffres sont une estimation qui se fait sur la base de la découverte de fossiles, ainsi que d’autres facteurs. Ils varient selon la méthode de calcul et sont sans cesse raffinés. Il n’existe donc pas vraiment de consensus définitif, en particulier sur le nombre d’espèces concernées, encore plus difficiles à estimer que les genres ou familles

L’extinction en cours : l’anthropocène

Il est désormais établi que la Terre connait une sixième crise écologique majeure connue sous le nom de l’extinction de l’Holocène ou entrée dans l’Anthropocène. Cette extinction massive a pour principale cause les activités humaines, à l’origine des cinq grandes menaces de la biodiversité à savoir :

  • la fragmentation des habitats,
  • l’introduction d’espèces exotiques envahissantes,
  • la surexploitation des ressources,
  • la pollution
  • et le changement climatique.

Lire aussi: « CR: L’Anthropocène décodé pour les humains » (revue n° 101)

Il semble, qu’outre ces causes, la chasse (dont le braconnage) et la pêche pratiquées par les humains sont les principales et premières raisons expliquant la perte et l’extinction des espèces. « L’extinction écologique causée par la surpêche devance toute autre perturbation humaine généralisée sur les écosystèmes côtiers, y compris la pollution, la dégradation de la qualité de l’eau, et le changement climatique d’origine anthropique » (Jackson et al., 2001, traduction libre).

La crise n’est pas encore du niveau des « Big Five », qui ont duré des dizaines de millions d’années, mais nous en prenons le chemin (Cowie et al., 2022). On estime que le taux d’extinction actuel est 1000 fois plus important que le taux naturel de bruit de fond (taux normal d’extinction) soit 0,1 extinction par million d’espèces par an (De Vos et al., 2015).

La Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) constitue l’inventaire mondial le plus exhaustif possible et l’outil de référence le plus fiable de l’état de conservation des espèces animales (et végétales). Dans sa dernière édition de 2022, 42 108 espèces sont classées menacées d’extinction sur les 150 388 espèces étudiées et 902 espèces sont sur la liste rouge de l’UICN en 2021, dont 98 mammifères et 161 oiseaux. La « défaunation » (le déclin de la biodiversité animale) serait même probablement sous-estimée (Finn et al., 2023).

Lire aussi: « Insectes : une hécatombe à endiguer » (n° 101)

Plusieurs solutions ont été proposées pour essayer de sauvegarder les espèces les plus en danger d’extinction : les zones protégées, comme les parcs nationaux (Wuerthner et al., 2014), la création de réserves marines (in situ), les reproductions en captivité (ex situ) finalisées parfois par des réintroductions dans le milieu naturel.

Une dernière solution consiste en la « dé-extinction » d’espèces… Ce sera le sujet des parties suivantes, à paraître dans les prochains numéros de la revue.

Mehdi Miniggio

Cet article est basé sur notre rapport « Dé-extinction d’espèces – Enjeux scientifiques et éthiques » réalisé en 2023 à la LFDA dans le cadre du master « biodiversité, écologie et évolution » à Sorbonne Université.

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