Variole du singe : origine de la zoonose et modes de contamination

Une zoonose fait parler d’elle depuis quelques mois : la variole du singe. Originaire d’Afrique, elle a été transmise à l’homme par des animaux sauvages. Les nouveaux animaux de compagnie (NAC) sauvages peuvent jouer un rôle non négligeable dans la diffusion du virus.

variole du singe à queue rousse
Singe à queue rousse (Cercopithecus ascanius)

Introduction

Depuis le 7 mai 2022, nous assistons à une émergence inhabituelle de cas humains sporadiques de la variole du singe dans plusieurs pays européens, en Amérique du Nord et en Australie, alors qu’il s’agissait d’une maladie endémique localisée à l’Afrique centrale et occidentale.

La particularité de ces cas est que, en dehors du premier malade au Royaume-Uni de retour du Nigéria, il s’agit de personnes n’ayant pas voyagé en Afrique. Alors que l’on reconnait une origine zoonotique dans la plupart des cas africains, ces cas émergents sont liés à des contaminations interhumaines, souvent observées chez des hommes homosexuels ou bisexuels ayant eu plusieurs partenaires et n’ayant pas voyagé en Afrique.

Il s’agit aussi d’une zoonose et de nombreux réservoirs animaux sont suspectés en Afrique. C’est pourquoi l’apparition de cette maladie due à un virus très résistant dans le milieu extérieur en dehors de l’Afrique doit amener à une certaine prudence pour éviter tout risque d’instauration d’un réservoir animal autochtone dans ces nouveaux pays touchés par la variole du singe.

Historique

Le virus de la variole du singe a été découvert en 1958 dans un laboratoire de Copenhague chez des macaques (Macaca fascularis) qui avaient été importés de Singapour. Il y eu deux foyers à quatre mois d’intervalle. Les reins de ces singes servaient à la préparation de cultures cellulaires pour la production de vaccins contre la poliomyélite. C’est pourquoi ce nouveau virus fut dénommé « Monkeypox virus » pour « virus de la variole du singe » (ou MPXV). D’autres laboratoires ont connu ce même problème aux États-Unis, aux Pays-Bas et en France. Il s’agissait toujours de singes captifs provenant de diverses régions tropicales (Inde, Malaisie, Philippines et Sierra Leone). Ces cas rapportés chez des singes n’ont jamais donné lieu à une contamination humaine.

Virus de la variole du singe

Il s’agit d’un Orthopoxvirus, gros virus à ADN de la famille des Poxviridae.

Il faut souligner la forte résistance dans le milieu extérieur de ce virus en particulier à la fin de la maladie dans les croûtes cutanées.

Le terme de Monkeypox pourrait changer, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui ne souhaite plus attribuer un nom discriminatoire ou stigmatisant aux virus émergents pouvant évoquer une région géographique ou un animal. D’ailleurs on peut noter une certaine confusion lorsque l’on parle de « chickenpox » qui est en fait la varicelle, de « smallpox » pour la variole ou de « cowpox » pour le virus de la vaccine.

Deux souches virales sont connues pour le MPXV : un clade présent en Afrique centrale (souche Congo), le plus virulent, pouvant provoquer une mortalité de 10,6 %, et un clade d’Afrique occidentale moins pathogène avec un taux de mortalité estimé à 3,6 %.

Une analyse métagénomique réalisée au Portugal sur des prélèvements réalisés dans plusieurs pays confirme que le virus appartient au clade de l’Afrique occidentale et qu’il semble reconnaître une origine unique qui serait une souche exportée du Nigéria en 2018 et 2019.

Variole du singe chez l’Homme

C’est en 1970 que le premier cas humain de variole simienne a été décrit chez un enfant âgé de 9 mois en République démocratique du Congo (RDC).

Au cours des années suivant sa première identification en Afrique, la variole du singe, qui n’était plus masquée par la variole (ou la vaccination), a été régulièrement observée en Afrique centrale et occidentale. Elle est devenue l’infection à orthopoxvirus la plus répandue chez l’Homme.

L’âge médian des malades africains est passé de 4 ans dans les années 1970 à 21 ans depuis 2010 du fait du déclin de l’immunité collective à la suite de l’arrêt de la vaccination contre la variole qui permettait d’offrir une protection croisée estimée à 85 %.

Lors de l’épidémie de variole du singe en Afrique de l’Ouest qui a débuté en septembre 2017 au Nigéria, quatre personnes voyageant du Nigéria vers le Royaume-Uni, Israël et Singapour sont devenues les premiers cas humains exportés d’Afrique. Il y eu aussi une transmission nosocomiale connexe au Royaume-Uni chez un aide-soignant.

Rat de Gambie (Cricetomys gambianus)

La possibilité d’une transmission zoonotique du MPXV a été démontrée de façon spectaculaire en 2003, lors de l’importation de cricétomes des savanes (Cricetomys gambianus) communément appelés rats de Gambie dans les États du Midwest américain. Ces rats africains d’origine sauvage apparemment sains étaient vendus comme nouveaux animaux de compagnie (NAC). Importés du Ghana, ces rats de Gambie ont pu contaminer dans l’animalerie des chiens de prairie (Cynomys ludovicianus), autres rongeurs NAC autochtones de la famille des Sciuridae et qui furent les vecteurs secondaires d’une contamination humaine avec 71 cas dont plusieurs enfants.

Ce fut la seule importante épidémie de variole simienne observée dans un pays non africain d’origine zoonotique. Rappelons qu’en Europe, nous avons connu, en 2009, une autre épidémie due à un orthopoxvirus moins pathogène (le cowpox) avec des rats importés de Hongrie en tant que NAC.

Entre le 7 mai 2022 et le 6 juillet 2022, le nombre des cas humains n’a cessé pas d’augmenter puisque l’on recense 7146 cas dans 53 pays qui étaient indemnes. En France, 577 cas ont été rapportés, dont une femme et un enfant.

Aspects cliniques

La variole simienne est différente de la variole humaine dans son tableau clinique du fait d’une adénopathie (absente dans la variole) avec une éruption cutanée (papules se transformant en vésicules puis en pustules évoluant vers une cicatrisation avec la formation de croûtes) sur le visage, les mains et différentes parties du corps.

Les cicatrices cutanées pouvant être observées sont moins graves que dans la variole humaine. La variole simienne ressemble aussi beaucoup à la varicelle, plus contagieuse et due à un herpèsvirus.

La maladie est généralement bénigne et il n’y a pas eu de mortalité en dehors d’un cas au Nigéria.

Transmissions

Les voies d’exposition potentielles comprennent l’interaction avec des animaux sauvages et la proximité d’individus malades, ainsi que le contact avec l’environnement contaminé.

Transmission zoonotique

Dès 1970, la variole du singe a été considérée comme une maladie virale émergente tout d’abord en RDC, où les infections primaires humaines résultent d’un contact avec un animal sylvestre infecté, bien que l’espèce hôte réservoir soit actuellement inconnue.

Il peut s’agir d’un contact avec un animal sauvage devenu familier (rats de Gambie) ou chassé pour être consommé (viande de brousse).

Le seul MPXV isolé d’un mammifère sauvage a été obtenu à partir d’un écureuil à cordes moribond (Funisciurus anerythrus) collecté lors d’une enquête sur une épidémie en RDC. Les animaux les plus fréquemment suspects sont le rat de Gambie (Cricetomys gambianus), le singe à queue rousse (Cercopithecus ascanius) et les écureuils africains, en particulier le genre Funisciurus et l’écureuil soleil à pattes rouges (Heliosciurus rufobrachium).

variole du singe, écureuil africain
Ecureuil africain (Funisciurus)

Transmission interhumaine

La transmission interhumaine peut être directe, en particulier par le contact cutané (peau à peau), les fluides corporels et les voies respiratoires (gouttelettes). En raison de la grande résistance du virus, tout matériel (vaisselle…) ou linge ayant été en contact avec les croûtes d’un malade est contaminant.

Transmission des cas hors Afrique

Pour les cas inhabituels observés actuellement hors Afrique, les rencontres sexuelles ont joué clairement un rôle dans la transmission. La maladie a surtout été observée chez des homosexuels masculins qui avaient participé à des réunions de leur communauté (fête en Belgique, sauna en Espagne, voyages…).

Moyens de lutte

Il est évident que dans les cas de cette poxvirose, il importe d’éviter tout contact avec la personne atteinte ainsi que tout ce qu’elle a pu toucher et contaminer.

Par comparaison avec la variole humaine, les mesures d’éradication ne pourront pas être aussi efficaces avec la variole simienne du fait d’un réservoir viral dans plusieurs populations d’animaux sauvages en Afrique.

Conclusion

En conclusion, le virus de la variole du singe est un agent pathogène réémergent qui ne semble plus se limiter aux régions endémiques africaines et qui présente le risque mondial d’occuper la niche écologique laissée vacante par la variole.

La découverte soudaine de cette maladie hors de l’Afrique, chez plus de 7000 personnes depuis le 7 mai 2022, sous une forme très particulière, dans 53 pays qui semblaient indemnes, avec un mode de transmission particulier, doit nous amener à une certaine prudence sur l’interprétation de cette émergence.

Cette maladie s’est-elle propagée pendant un certain temps sans être détectée du fait de son évolution bénigne ? En date du 25 juin 2022, l’OMS n’envisage pas de déclarer la variole du singe une urgence sanitaire mondiale. Mais plus ce virus se propagera longtemps et loin, plus il risque d’être endémique dans de nouvelles régions. Le problème sera de savoir si le MPXV s’établira plus dans un réservoir animal que dans la population humaine s’il continue à se propager.

L’important est de savoir diagnostiquer la variole du singe, d’avertir le public sur le risque de contagiosité de ce virus très résistant dans le milieu extérieur, de la possibilité de zoonose, de surveiller les cas contacts et de prévenir les contaminations des animaux sensibles (NAC exotiques). On peut espérer que la mise en place de ces mesures de biosécurité associées ou non à une vaccination limitera toute progression du MPXV en dehors de l’Afrique.

Jeanne Brugère-Picoux

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