Allocution de Christiane Lambert (2020)

Intervention de Christiane Lambert, FNSEA dans le cadre du colloque « Le bien-être animal et l’avenir de l’élevage » organisé par la LFDA le 22 octobre 2020 au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne.


© Michel Pourny
Télécharger les actes du colloque au format PDF.

Monsieur le président, cher Louis Schweitzer, je suis ravie de vous retrouver. La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était dans un bâtiment d’élevage. Mme Laurence Parisot, je suis ravie de vous rencontrer également. Mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les nombreux invités participant à ce colloque.

Je vous remercie de m’avoir invitée et de me donner la parole après avoir entendu les scientifiques, les vétérinaires, les distributeurs, une sociologue, un chercheur, un industriel et des présentations très intéressantes. Vous avez construit une chronologie intéressante en donnant la parole aux acteurs dans un débat construit apaisé. C’est ce dont nous avons besoin sur un sujet qui suscite aujourd’hui beaucoup d’intérêt de la part de l’opinion et de la société – telle qu’on a tendance à l’appeler même si elle est très composite et très diverse. Vous me donnez la parole à la fin en tant qu’éleveuse et je vous en remercie.

Je suis agricultrice et productrice de porcs dans le département du Maine-et-Loire. Je conduis un élevage avec mon mari qui a intégré, depuis déjà de nombreuses d’années, les problématiques de bien-être notamment dans le logement des animaux et dans la conduite : l’alimentation, la construction des bâtiments ou même un certain nombre de pratiques. Il faut que je puisse, comme les autres acteurs l’ont fait, vous montrer le cheminement et la progression qui a été la nôtre par rapport à ce sujet. Les filières agricoles, toutes espèces pouvant être citées, ont à cœur d’intégrer une amélioration continue des pratiques. Les agriculteurs qui vivent et travaillent avec les animaux évoquent très souvent comme première qualité et première motivation pour être éleveur la passion et l’attachement aux animaux. Moi-même – qui suis tombée dans la marmite très jeune ayant décidé à l’âge de 8 ans d’être agricultrice en apprenant à traire les vaches à la main avec ma mère – je peux confirmer que cette relation homme-femme-animal est très importante. Cela fait que nous ne comptons pas notre temps, que nous nous levons la nuit quel que soit le temps pour un vêlage ou pour une mise bas, que même lors des meilleures fêtes de week-end nous revenons quand même nous occuper de nos animaux et que nous avons toujours un œil sur notre élevage où que nous soyons. Les objets connectés aujourd’hui nous permettent de le suivre en temps réel.

Cette prise en considération de la part des agriculteurs est réelle depuis quelques temps. Elle s’est traduite par un certain nombre d’engagements. Ils ne sont pas toujours connus au regard notamment d’un certain nombre de questions que j’ai pu entendre. J’ai cité ici quelques démarches existantes, mais peut-être pas connues de tous, dans les différentes espèces, pour montrer que cet engagement a commencé il y a quelques temps déjà. Disons-le pour l’espèce bovine, cela a commencé notamment au moment de la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en 1999, où il y a eu de la part des consommateurs une attente de traçabilité, de connaissances sur les modes d’alimentation des animaux. Les responsables agricoles de l’époque qui étaient Jean-Michel Lemétayer, qui est devenu ensuite Président de la FNSEA, et Joseph Daul, qui devint ensuite député européen – comme quoi il y a quelques destins intéressants à regarder avec le temps – ont construit une charte de bonnes pratiques d’élevage bovin qui intégrait un certain nombre d’éléments. Au début, il est vrai, elle portait plus sur la traçabilité. Il y a aujourd’hui eu cinq versions successives de cette charte. Elle a intégré d’abord les problématiques environnementales qui, si on regarde la chronologie d’Elsa Delanoue, sont apparues en premier, ensuite les problématiques de bien-être animal, puis les problématiques sanitaires. Les aspects sanitaires sont aussi très importants car ce sont les premiers éléments de bonne santé et cela est vrai aussi pour nous les humains.

  1. Baussier a dit avec justesse que les vétérinaires sont des interfaces extrêmement importantes. Les vétérinaires sont les experts pour les agriculteurs. Les agriculteurs sont les sentinelles de leurs animaux présents au quotidien auprès d’eux qui détectent les premiers signes de bien-être ou de mal-être, qui s’inquiètent et qui font appel au vétérinaire. Celui-ci vient et intervient et, par son savoir, rassure et apporte des éléments. Ces documents, quand ils ont été créés, l’ont été très souvent avec l’apport de la science, de scientifiques, de vétérinaires et d’experts qui ont permis d’écrire, de codifier et de quantifier le bien-être des animaux. À l’époque, il y avait déjà beaucoup d’appréciation à l’émotion et de perception : « Mais moi, en tant qu’humain, je ressens ceci, mais que ressent vraiment l’animal ? »

Je vois Luc Mirabito du Réseau mixte technologique (RMT) sur le sujet du bien-être qui coordonne beaucoup de travaux au niveau des instituts. Nous avons eu la chance de pouvoir le rationaliser avec des indicateurs. M. Louis Schweitzer, vous avez été un grand chef d’entreprise, un capitaine d’industrie. Je ne peux pas m’empêcher de regarder Mme Laurence Parisot, au regard aussi de responsabilités antérieures. Les gens qui travaillent dans le monde de l’entreprise, nous savons que pour décider nous avons besoin d’objectiver les choses. Comment faire pour objectiver, et surtout pour dialoguer et échanger avec la personne qui est moins connaisseuse que nous ? Nous sommes capables d’avoir des référentiels ou des chartes avec 37 indicateurs par exemple, où l’on peut mesurer et quantifier le comportement de l’animal. C’est ce que nous avons fait dans notre élevage avec un diagnostic bien-être animal à l’élevage de porcs réalisé par des scientifiques et réalisé sur place par un technicien conseiller. Il a mesuré la sociabilité des porcs, leur état de bien-être, leur état physique et psychique au regard de leur comportement. C’est extrêmement intéressant même pour nous éleveurs. Cela nous guide dans notre travail quotidien de surveillance et d’intervention. C’est intéressant également à plus long terme quand on doit investir dans des équipements et faire des améliorations, voire quand on a à construire des bâtiments. Ce travail, qui a été construit au travers des chartes qui existent toujours et qui sont réévaluées, est quelque chose de très précieux.

J’entendais récemment des responsables du monde équin dire « quand on a parlé de bien-être animal dans certains milieux équin on nous a dit Non mais vous rigolez ? Bien sûr qu’on a le souci du bien-être de nos chevaux, bien sûr qu’on a l’idée qu’il faut qu’ils soient en bonne situation ». L’animal pèse entre 700 et 800 kg, l’homme pèse 70 kg, 55 kg si c’est une jeune fille, on ne peut pas par la rigueur ou par la dureté faire obéir un cheval ou le mettre en situation. C’est un climat de confiance qui s’opère entre l’animal et l’Homme, et cette relation-là se noue. S’il y a confiance ou s’il y a mal-être, l’animal quel qu’il soit, cheval, porc, vache ou poulet, ne répond pas de la même façon. Les éleveurs qui ont à cœur l’élevage et la production – la production optimisée – ont bien sûr à cœur d’avoir des animaux en condition de bien-être. Parce qu’une poule qui est en situation de mal-être ne pond pas un œuf par jour ; un porc qui est mal logé ne grossit pas comme il peut grossir s’il était en meilleure situation, etc. Ce sont des évidences mais qu’il faut rappeler.

Alors je parlais des instituts techniques. L’apport très précieux des instituts techniques a été justement de créer des fiches techniques, espèce par espèce, séquence par séquence, de la vie et des stades physiologiques de l’animal pour nous aider à mieux appréhender, connaître et intervenir. Au fur et à mesure que les questions se faisaient plus fortes sur la nature de nos bâtiments, l’accès au plein air, la lumière, l’éclairage, etc., des fiches ont été créées, des expertises et des consensus scientifiques ont été faits. Ces fiches sont aujourd’hui diffusées et répandues par les vétérinaires, les techniciens et les formateurs. En 18 mois, 17 000 éleveurs de volailles et 8000 éleveurs de porcs seront formés au bien-être animal. Il y a donc un crescendo de demandes en connaissances et en formations, ce qui va plutôt dans le bon sens. La FNSEA et ses associations spécialisées en charge de l’élevage, toutes espèces confondues, ont aussi travaillé depuis 2013 sur ce sujet très important. Nous avons réalisé déjà deux recueils, en 2014 réactualisé en 2019, pour recenser tout ce qui existe en matière de données techniques et scientifiques, tout ce qui existe comme sujet de recherche sur le sujet et les préoccupations nouvelles des éleveurs. Je sais que les scientifiques apprécient le questionnement des praticiens et des éleveurs à la science. C’est très important de dialoguer et d’avancer sur ces sujets-là.

Il y a des progressions : des éléments de bien-être dans le cahier des charges, par exemple pour l’agriculture biologique ou également pour la révision du label rouge bovins. Ce sont des signes officiels de qualité qui auparavant parlaient essentiellement des conditions, du lieu, des pratiques et des modes d’élevage mais assez peu des aspects de bien-être. Il y a eu un travail qui a été fait. En quelque sorte, après avoir répondu aux indicateurs tels que les a présentés Elsa Delanoue, qui a parlé de situations de « non mal-être », c’est ce que nous avons fait dans les référentiels bien-être. Nous sommes passés d’indicateurs à l’approche de la naturalité et de la liberté des animaux, en travaillant sur les cahiers des charges des signes officiels de qualité. Nous poussons plus loin encore aujourd’hui avec d’autres diagnostics : BoviWell pour les bovins, Beep le « bien-être en élevage de porcs » – qui a été fait par l’Institut français du porc et qui amène justement une quantification et une rationalisation pour une meilleure connaissance. Les agriculteurs ont un savoir académique mais aussi un savoir-faire, ils sont attachés à des connaissances empiriques et ils aiment aussi objectiver les choses. Avec les filières volailles, porcines et bovines, ces diagnostics bien-être s’appliquent dans les élevages en situation en présence de l’éleveur qui explique ce qu’il fait, pourquoi il le fait. La personne qui réalise le diagnostic, elle explique : « L’animal a tel comportement parce que vous pratiquez ainsi et si vous faisiez évoluer telle ou telle chose, cela pourrait évoluer de meilleure façon. »

Le souci d’amélioration est continu et le souci d’innovation l’est également : la digitalisation et tout ce que la robotique nous amène aujourd’hui, notamment de l’électronique embarquée y compris sur nos animaux. Par exemple, pour mesurer la mobilité, on met un podomètre sur une vache et on sait si elle s’est déplacée un peu, beaucoup ou passionnément. Cela permet déjà de savoir si elle est en chaleur ou non et à quel bon moment l’inséminer. On peut aussi savoir si elle s’est rendue suffisamment souvent pour manger à la distribution automatique d’alimentation. Bref, ce sont des choses très concrètes et de plus en plus adoptées par les agriculteurs. Il faut aller encore plus loin car des engagements sont aujourd’hui pris.

Depuis la loi alimentation, où le débat était très dense sur la question notamment de l’élevage en plein air ou de l’élevage en bâtiment, des engagements ont été pris. Un bilan récent montrait qu’ils sont pour l’instant tenus avec des objectifs comme 50 % de poules en système alternatif à la cage en 2022. L’interprofession volaille a communiqué récemment. C’est intéressant parce que M. Guyomard et M. Hénaff ont parlé de l’aspect économique. Si la consommation d’œufs alternatifs a augmenté de 43 % entre 2017 et 2020, le prix de ces œufs (hors cage donc) a baissé de 4%. C’est aussi des choses qu’il faut citer et c’est un peu le dilemme permanent mais qui a jalonné les discussions de ce matin : les ambitions et les objectifs qualitatifs et bien-être, et la réalité économique et la réalité du comportement du consommateur. Plus 43 %, c’est bien mais moins 4 %, ça nous fait réfléchir, parce que le bien-être a un coût et il faut qu’il soit pris en charge.

Il y a eu aussi des engagements – je ne les cite pas tous – sur les aspects bio, label rouge… Beaucoup d’évolutions aussi dans le domaine des vaches laitières. La filière laitière s’est engagée par exemple à faire un diagnostic bien-être animal dans tous les élevages en trois ans, ce qui est énorme puisque nous avons 160 000 producteurs de lait. Cet engagement est donc un engagement massif pour apporter une réponse avec le diagnostic BoviWell.  La démarche la plus aboutie, c’est le pacte pour un engagement sociétal qui a été construit par l’interprofession bovine (Interbev) qui associe l’ensemble des acteurs, pour justement arriver à dialoguer hors pression, hors combat et hors média, et justement appréhender poste par poste comment évoluer favorablement.

Cela a été dit mais je le redis aussi : je parle aujourd’hui en tant que représentante de l’élevage. Très souvent le questionnement sur le bien-être animal concerne l’élevage, le transport, l’abattage et la façon de commercialiser, de présenter et de valoriser les produits. Il y a des travaux importants qui sont menés aussi par rapport au transport des animaux. La réglementation a évolué elle aussi. On se rend compte qu’elle est mieux respectée en France que dans d’autres pays européens. Elle n’est pas respectée du tout dans certains pays européens, ce qui pose problème lorsqu’il n’y a pas de contrôle de ce respect et que l’on exporte des animaux qui vont dans des destinations lointaines.

C’est donc une approche globale qu’il faut que nous ayons en France mais aussi en Europe. On se rend compte que tous les pays européens n’ont pas la même vision sur ce sujet, ni sur d’autres, puisque dans la négociation que le ministre a conduit pendant deux jours et presque deux nuits, il y a eu beaucoup de débats justement autour des éco-régimes qui sont dans la nouvelle PAC (Politique agricole commune) et qui sont nécessaires pour faire évoluer l’agriculture. Pourtant beaucoup de pays européens les refusaient et voulaient qu’ils soient facultatifs et non obligatoires. Cela aurait contribué à renforcer encore les distorsions. Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation français avait fait une ligne rouge de ce sujet : oui pour des évolutions mais cela doit être obligatoire pour tous les états membres. Il a réussi les éco-régimes, qui s’appliqueront de façon obligatoire à tous les états membres, même si certains ont essayé de négocier pour rabioter à tel ou tel endroit.

Ce contexte européen est assez prégnant aussi dans un certain nombre d’autres domaines. Ce pacte sociétal est vraiment la forme la plus aboutie que nous souhaitons voir développé pour toutes les espèces et avec des objectifs, surtout de dialogue. Il a été coconstruit avec la LFDA, CIWF, Welfarm et l’OABA. Ce sont ces quatre associations avec lesquelles nous travaillons le plus souvent sur la construction de cahier des charges. Ce sont des associations constructives et qui veulent vraiment le bien-être animal et non pas l’arrêt de l’élevage, comme d’autres associations qui font parfois plus parler d’elles mais avec lesquelles nous n’arrivons pas à discuter. Ce qui est intéressant aussi avec l’OABA ainsi qu’avec la Fondation Brigitte Bardot, c’est que nous travaillons aussi ensemble pour gérer au mieux des situations que certains appellent de maltraitance mais que j’appellerais plutôt d’abandon de soin pour les animaux. Lorsque les agriculteurs connaissent de graves difficultés et n’arrivent plus à s’occuper de leur cheptel – les vétérinaires connaissent ça très bien – une solidarité entre agriculteurs se met en place. Ce travail nous le faisons aussi avec la Fondation Brigitte Bardot et l’OABA, en territoires notamment, et des chambres d’agriculture se sont vues confier cette mission en coordination.

Nous voulons bien sûr poursuivre les engagements et avancer. Quel levier pour accompagner le progrès ? Nous allons d’abord parler des enjeux économiques qui sont importants à citer. D’abord, pour réussir ce challenge-là il faut dialoguer et se comprendre. Les progrès dans les exploitations agricoles il y en a, je l’ai démontré. Nous pouvons en faire davantage et nous souhaitons que par le dialogue ces initiatives soient coconstruites. « Coconstruire » ça veut dire évaluer ensemble y compris la soutenabilité des progrès : à quelle vitesse je peux progresser pour l’intégrer économiquement dans mon élevage. Le retour valeur n’est pas toujours au rendez-vous. Le citoyen n’est pas toujours prêt à avoir un consentement à payer suffisant. Comment donc faire en sorte que l’on puisse améliorer, que ce soit sustainable économiquement ? Bien sûr quand on fait des progrès de bien-être dans un élevage, il y a des coûts et je crois que ce serait mentir que de dire le contraire. Je l’ai moi-même vécu dans notre exploitation sur un investissement important il y a 4-5 ans. Il y a un surcoût quand on met plus de place pour les animaux, quand on met plus de surface, plus de hauteur et plus de lumière, et qu’on change l’ambiance. C’est comme quand on construit une maison, si on la fait à l’économie ou si on la fait avec des conditions de mieux-être, il y a des coûts supplémentaires. Il faut pouvoir accompagner ces surcoûts.  Il existe bien sûr des entreprises qui ont mis en place avec des distributeurs des cahiers des charges coconstruits, des progrès, des centimes en plus, qui parfois couvrent, mais pas toujours suffisamment. La question du consommateur est bien évidement posée mais j’y reviendrai. La loi alimentation a aussi dit – on en parle beaucoup de cette loi parce qu’il y avait un deuxième volet sur la partie bien-être animal entre autres – qu’il fallait rémunérer les producteurs pour que leurs revenus redeviennent positifs, ce n’est pas le cas pour trop d’entre eux. Il faut construire des prix en fonction des coûts de production franco-français, car nous avons des conditions sanitaires, sociales et de bien-être premium par rapport à d’autres pays et cela a un coût. Si nous sommes mis en concurrence avec des produits qui viennent d’ailleurs et qui ne les respectent pas, bien évidemment, nos productions disparaissent. Malheureusement, cela arrive dans un certain nombre de domaines, il faut donc toujours avoir à l’esprit cela. 

Des intervenants ont parlé tout à l’heure de la PAC. La PAC a déjà accompagné l’amélioration des bâtiments d’élevage au nom du bien-être animal. Dans la PAC qui se termine en 2020 (2014-2020), il y avait ce qu’on appelle les Plans de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) qui ont permis aux agriculteurs de moderniser leurs bâtiments. La condition d’accès est de cocher l’item bien-être animal donc il y avait une condition d’accès pour réaliser des bâtiments visant une amélioration du bien-être animal. Depuis 2002, la conditionnalité des aides accorde un soutien aux agriculteurs s’il y a respect d’un certain nombre de directives et de règlements d’identification et de traçabilité, et le bien-être animal en fait partie. Cela a d’ailleurs donné lieu à beaucoup de débats parce que la présence ou l’absence d’objets contendants dans le parc des animaux est une approche très subjective. Il y a déjà eu l’intégration de ces éléments-là, en plus des directives bien-être animal qui sont applicables depuis les années 2000 dans les différents types d’élevages. La nouvelle PAC, qui arrive aujourd’hui, intègre dans les éco-programmes des rémunérations supplémentaires pour les agriculteurs qui feront des efforts supplémentaires en termes d’environnement, de sanitaire et aussi de bien-être animal, selon texte de la commission. 

Citons aussi en ce moment le plan de relance global France, dans lequel il y a un volet agricole.  Un milliard d’euros pour relancer un certain nombre de domaines. Il y a un volet pour améliorer les abattoirs avec 125 millions d’euros et un volet pour aider à l’investissement dans les bâtiments d’élevage avec un objectif de bien-être animal. Les abattoirs français, au regard de leurs faiblesses de rentabilité – pour différentes raisons que je n’évoquerai pas ici –, ont du mal à se moderniser, c’est donc un ballon d’oxygène qui leur est donné pour pouvoir moderniser les abattoirs. Nous avons soutenu cette idée-là. Cela a été dit aussi tout à l’heure par Mme Fontaine et je l’en remercie, c’est que l’on ne peut pas tout changer d’un claquement de doigts. Pourquoi ? Parce que la meilleure façon d’améliorer le bien-être animal dans un élevage, c’est de modifier les bâtiments. Or les bâtiments sont coûteux et sont construits avec des durées d’amortissement longues. Certains éleveurs de volailles et de poules pondeuses notamment, à qui il est demandé de changer leurs modes de production pour avoir des poules libres, sont encore en train de rembourser les emprunts qui correspondent à leur modernisation de l’année 2013 et vont donc rembourser jusqu’en 2026. Leur demander maintenant de réengager des investissements lourds, pour un bâtiment de poules pondeuses, c’est quasi un million d’euros, c’est compliqué. C’est vraiment au moment où l’on fait et construit nos bâtiments que l’on a la possibilité d’intégrer les éléments de bien-être et qu’il faut vraiment le bon conseil, des techniciens, des vétérinaires et des scientifiques pour apporter tous les éléments de bien-être. Pour avoir fait un test dans notre exploitation sur des cases de truies « maternité liberté » – c’est à dire des truies que l’on peut libérer au bout de cinq jours pour qu’elles soient mobiles avec leurs petits – c’est 25 % de surface en plus. Cela représente aussi plus de temps de travail et plus de pénibilité parce que la truie est très maternelle et quand on rentre dans sa case, elle manifeste sa crainte, donc il faut l’immobiliser. Ce temps de travail en plus et ce risque pour l’éleveur, il faut aussi les intégrer dans une approche globale.

Je me suis adressée à vous en tant qu’experte du sujet bien-être animal et de la conduite d’élevage. Trop souvent ce sujet est évoqué en disant « Les animaux sont mieux en plein air parce que moi je pense qu’ils sont mieux en plein air », idem par rapport à la question qui était posée sur les veaux tout à l’heure. Visitant récemment un nouvel élevage de veaux avec un grand industriel du veau, les agriculteurs avaient un bâtiment sur paille. Le conseil a été de faire des cases de 6 plus petites mais sur caillebotis et avec surveillance de l’alimentation de chacun. La vie en société fait qu’il y a parfois des forts et des faibles, et même quand ils sont en liberté tous ensemble en lots de 50, il y a des veaux qui n’arrivent pas à accéder à l’alimentation, qui ne grossissent pas, voire qui sont malheureux (cela se voit sur leurs poils et sur leur comportement général). Ce n’est pas si simple et c’est tout l’art d’être éleveur, d’être conseiller ou vétérinaire en élevage.

L’enjeu économique, c’est aussi trouver des solutions techniques avec le métier d’éleveur. C’est un peu comme pour les végans : être végan, il y a dix ans c’était compliqué, il n’y avait pas les produits dans les rayons, mais aujourd’hui ils y sont. Être éleveur et vouloir faire du bien-être, il y a dix ans ou même cinq ans, il n’y avait pas les solutions. Quand on a voulu mettre en place des objets de manipulation dans notre élevage il y a cinq ans, nous n’avons pas trouvé sur le marché les objets que nous voulions. Ils existaient au Danemark, mais il était impossible de les faire livrer en France. Nous les avons donc construits nous-mêmes parce que nous sommes volontaires et militants du sujet. Il y a parfois des difficultés réelles. Aujourd’hui quand on regarde les revues techniques quelles qu’elles soient, il y a des solutions. Quand on va au SPACE à Rennes ou dans les salons professionnels quel que soit le pays, on voit des solutions qui arrivent à nous, tant mieux. Des cases construites différemment, des espaces qui permettent aux animaux de se sociabiliser parce qu’ils peuvent se toucher de groin à groin dans un même bâtiment et d’autres choses qui avancent : les solutions arrivent aujourd’hui. Elles sont coûteuses, c’est sûr, mais au moins ces solutions arrivent à nous.

Les solutions techniques c’est aussi la possibilité d’évoquer que tout ne peut pas se faire d’un claquement de doigts non plus en termes de compréhension et d’adoption. Voilà pourquoi nous avons mis en place des formations. C’est extrêmement important. Voilà aussi pourquoi beaucoup de jeunes agriculteurs aujourd’hui suivent des formations de spécialisation sur ces sujets. Les chambres d’agriculture ont mis en place des formations spécialisées sur le bien-être animal pour que les éleveurs puissent se familiariser et être plus à l’aise, à la fois pour le faire mais aussi pour en parler.

Il y a aussi des enjeux environnementaux et parfois une bonne conjonction entre les enjeux de bien-être et les enjeux environnementaux, même s’il n’y a parfois pas de conjonction. Souvent, il y a une convergence, mais pas toujours. Je crois qu’on peut citer par exemple les parcs à poules ou les parcs des poulets : la poule est un animal grégaire qui ne va pas sur les 18 hectares qui lui sont offerts et qui reste juste au bord. Or, la concentration en nitrates et en phosphore sur cet endroit-là n’est pas sans poser problème. Cela n’est donc pas toujours simple et amène à voir une appréhension globale du sujet. Hervé Guyomard a très bien répondu par rapport à l’aspect de l’élevage et notamment toutes les critiques qui sont faites à nos pauvres vaches par rapport au méthane. Malheureusement, les gaz entériques existent, la vache restera avec ses quatre estomacs et continuera à ruminer. Cependant, les bienfaits des herbivores pour maintenir les prairies, notamment les prairies permanentes avec 121 espèces prairiales – ce joyau de diversité – est irremplaçable.

Tout à l’heure, quand Elsa Delanoue a parlé des controverses, elle a très vite débouché sur la notion de compromis. Je pense que ce qu’il faut vraiment avoir à l’esprit quand on parle du sujet du bien-être animal, comme beaucoup d’autres sujets, c’est la recherche du compromis. Ce n’est pas tout, tout de suite dans un sens ou tout, tout de suite dans l’autre sens mais c’est forcément un compromis. En effet, les vaches émettent des gaz à effet de serre, mais les prairies en compensent 70 % quand elles sont conduites de telle ou telle façon. Pour cette raison, nous prônons plutôt une appréhension globale de l’élevage dans l’ensemble de ses composantes, qu’il s’agisse de l’environnement, de la biodiversité, du bien-être animal, des effets de gaz à effet de serre ou même du facteur emploi, puisque l’élevage est un des secteurs qui est le plus intensif en emploi en agriculture. Nos élevages sont très normés sur le volet environnemental avec de nombreuses directives dont je ne citerai pas les noms. Il est vrai que les agriculteurs ont peut-être davantage concentré leurs efforts sur les aspects environnementaux que sur les aspects bien-être en termes d’investissements sur les dernières années. Mais depuis les cinq dernières années, cela est vraiment en train de changer.

Dernier point d’enjeux sociétaux : il est vrai que le citoyen veut plus de bien-être, il le dit, le clame et le répète. Nous l’entendons et nous y travaillons. Mais par contre le consommateur n’est pas forcément toujours au rendez-vous. Tout à l’heure, il a été dit que plus de bien-être, c’était deux fois plus cher, parfois une fois plus cher, parfois 30 % plus cher. Mais qui paye ? Un certain nombre d’initiatives privées existent, la représentante de Carrefour, Mme Fontaine, en a cité, d’autres enseignes le font aussi avec des industriels et coopératives. Il faut des contrats sur des temps longs pour que les agriculteurs aient de la visibilité, puissent investir et surinvestir en bien-être, et qu’ils aient un retour en valeur. Malheureusement, je l’ai dit sur les œufs, cela ne se traduit pas toujours par des centimes en plus.

Pourtant, ce choix du consommateur est déterminant. De temps en temps, moi aussi comme M. Zuccolo, j’ai envie de m’insurger en disant que ce n’est pas normal qu’aujourd’hui ce soit seulement 13 % qui soient consacrés à l’alimentation. Mon collègue me disait ce matin qu’il s’est fait livrer un repas par UberEats à 8 euros parce que s’il achetait plus de 15 euros, il avait 10 euros de réduction. Il a donc mangé pour 8 euros avec du bœuf au menu. C’est aussi la réalité. C’est de plus en plus fréquent, il y a des vélos partout dans Paris maintenant qui livrent des plats préparés. Les produits non transformés ont explosé, les produits de qualité, mais aussi les plats préparés pendant le confinement, si l’on regarde la totalité. Dans les plats préparés, il y a très peu de matières agricoles, il y a davantage de main d’œuvre et d’autres choses, et il y a plus de sauce que de viande, on le sait tous aussi. Cette question du prix peut être également illustrée de cette façon-là : nous producteurs, nous travaillons pour le bien-être, nous travaillons pour répondre aux demandes des consommateurs et des citoyens, nous sommes présents sur le territoire et nos élevages, et nos industries, ne sont pas délocalisables. Quand on habite au fin fond de la Bretagne, il faut qu’on puisse rester industriel et produire, comme l’a souligné Loïc Henaff.

L’une des cartes à jouer, c’est l’origine France. C’est – je n’aime pas trop le mot éduquer les consommateurs – sensibiliser, informer et dire « vos achats sont vos emplois. » Si vous achetez des produits français qui en plus sont des produits frais, de proximité et qui remplissent des cahiers des charges que les autres ne respectent pas, vous préservez les emplois en France. C’est bon pour les entreprises et c’est bon pour l’économie. L’étiquetage de l’origine est quelque chose de très important mais le prix intervient beaucoup aussi. Ce croquis (voir présentation visuelle) montre que la consommation globale de viande de volaille en France augmente, la production de viande française – poulet français, marché intérieur – n’augmente pas beaucoup. Ce qui sature l’augmentation de la demande ce sont les importations. Les français mangent des poulets qui ne veulent pas voir en France mais qui sont aujourd’hui dans nos supermarchés et dans nos cantines : 70 % des poulets mangés dans les cantines sont importés. Pourquoi sont-ils importés ? Leur seule qualité, c’est qu’ils ne sont pas chers. C’est bien là l’équation difficile. Je dis insoluble parce que cela dure, cela date des années 2000 donc cela fait vingt ans que cela dure. Je n’ai pas l’impression que cela va changer. Quand un adhérent du Syndicat national de la restauration collective (SNRC) me disait récemment « Je fournis les armées, la restauration des armées : c’est moi. 1,2 milliard. Principal critère d’achat pour 70 % : le prix. L’origine ? « Je voudrais bien, mais non je ne peux pas. » »

Vis à vis des conseils régionaux, nous travaillons pour qu’il y ait justement une préférence pour les produits d’origine française et un patriotisme alimentaire. « Nos emplettes sont nos emplois » avait communiqué les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) en son temps. Nos achats sont nos emplois, bien sûr en matière alimentaire. C’est un sujet pour lequel nous nous battons vraiment. Quand ce sont des produits européens malheureusement, cela n’est pas possible. Quand ce sont des produits brésiliens ou d’ailleurs, nous plaidons, et nous ne sommes pas les seuls car le commissaire du commerce commence à le dire aussi. L’article 44 de la loi alimentation a dit : « interdiction de commercialiser en France des produits qui ne respectent pas les mêmes conditions de production que celles de notre territoire. » C’est bien, c’est écrit dans la loi mais le décret n’est pas signé car on nous dit qu’il faut un texte européen pour que cela puisse être signé. Le texte européen arrive mais en même temps arrive la bataille des libellés, c’est-à-dire des burgers de haricots verts et des saucisses de pois chiches. Il y a aussi des batailles compliquées à gérer, parce que le pâté Hénaff, il n’est pas fait avec du végétal ou cela se saurait. Par contre, quand moi j’achète du brocoli, je sais que j’achète des brocolis, quand j’achète une julienne de légumes, je sais que ce sont des légumes, etc. Nous avons aussi à régler ce problème donc cela fait beaucoup de problèmes. Je pense que le ministre cet après-midi pourra vous en parler.

Je crois qu’il faut dire aussi qu’en période de crise sanitaire, on a vu le nombre de malnutris augmenter de façon très importante. Quand le confinement est arrivé et que des familles se sont retrouvées avec deux, trois ou quatre enfants qui venaient manger à la maison pour trois repas, cela a totalement changé la façon de faire ses courses et la perception de l’alimentation et également le budget. Jamais les associations caritatives n’ont eu autant de demandes de repas. C’est aujourd’hui 5,5 millions de personnes qui sont concernées par l’aide alimentaire (sur 9 à 10 millions de personnes en situation de précarité). Avec la crise économique, les plans de licenciements et l’augmentation du taux de chômage, il nous est prédit que ce sera 8 millions de personnes qui seront concernées. D’ores et déjà, le ministère de la Santé s’est tourné vers les producteurs agricoles en disant qu’il fallait des dons de produits agricoles et de produits bruts, beaucoup plus que d’habitude parce que nous allons en fin d’année avoir des besoins. Cette réalité-là, on ne peut pas l’ignorer non plus : produire pour tous les marchés, pour tous les moments de consommation mais aussi pour toutes les bourses.

S’il faut payer plus cher pour l’alimentation bien-être, tout le monde ne pourra pas se la payer. Ce serait un comble en France de faire une fracture d’égalité devant l’alimentation alors que ça a toujours été un des facteurs du bien vivre ensemble : l’accès pour tous à l’alimentation. J’entends ici un certain nombre de propositions qui parlent de mettre en place, comme nous avons une allocation logement, une allocation alimentation. Je ne peux pas m’empêcher de penser quand même, quand je vois la perception aujourd’hui de l’allocation logement par un certain nombre de personnes, que si l’allocation à l’alimentation vient décharger de responsabilité les personnes, cela m’ennuie. Si l’alimentation demain « ce n’est pas cher, c’est l’État qui paie, c’est gratuit » cela me pose un problème éthique de la valeur de l’alimentation. Quand on est producteur on connait la valeur de l’alimentation. Un animal est vivant, malade ou mort mais il faut s’en occuper, de même pour une plante. Ce facteur travail, mis dans la production d’alimentation, si demain il y a une banalisation en disant « on vous paie l’alimentation », je pense que cela mérite une réflexion éthique, au-delà de ce qui est sur la place pour l’instant.

Pour terminer, c’est pour cela que nous travaillons à la FNSEA avec le ministère de l’Économie et le ministère de la Santé sur ces sujets. Nous sommes en train de réfléchir à ce que les États-Unis ont fait avec les food stamps, les fameux coupons pour parler en français, qui ont été mis en place. C’est une façon de sécuriser le débouché des produits américains : le coupon vaut double quand ce sont des produits américains qui sont achetés. Cela permet effectivement de faire une politique alimentaire pour ceux qui ont moins de moyens.

Vous voyez que le débat que vous vous posez, M. Schweitzer, c’est un débat qui a énormément de circonvolutions et beaucoup d’implications, tant qu’il y a des concordances de temps et des circonstances qui nous amènent à citer d’autres réalités. En conclusion, et par-dessus tout, les éleveurs qui sont des scientifiques ont besoin de données scientifiques. Nous avons aussi besoin de données éthologiques et sociologiques. Les données scientifiques sont en train d’être vulgarisées aujourd’hui. Il faut accélérer car un certain nombre d’agriculteurs, blessés par les attaques violentes d’intrusion en élevage que je condamne fortement, ne sont pas forcément enclins à avancer vite. J’ai été d’ailleurs assez surprise que les mutilations de poneys et de chevaux que l’on voit se multiplier aujourd’hui en coupant les oreilles, les queues ou les organes génitaux qui arrivent aujourd’hui sur les veaux – trois veaux en une semaine en Saône et Loire qui ont été mutilés au point d’en mourir – ne suscitent pas plus la compassion des associations de défense des animaux. Je ne les ai pas entendues et je m’en désole.

De très nombreux jeunes viennent en formation vétérinaire, et j’en ai dans ma proximité, avec une vraie vision éthologique. Je pense que cela est très important car nous éleveurs connaissons un certain nombre de choses mais devons apprendre aussi des éthologues de façon importante. Développer des solutions aussi pour faire progresser. Bien sûr, il y a des mesures législatives mais nous avons vu dans un exemple récent qu’il est facile de légiférer, mais si cela ne suit pas derrière, cela ne sert à rien. Je crois beaucoup plus aux politiques incitatives. L’incitation par le marché et par les centimes en plus, je pense qu’il faut le travailler davantage.

Nous sommes favorables au dialogue en toutes circonstances s’il y a respect mutuel – et merci pour le respect de cette assemblée et de votre Fondation avec laquelle nous travaillons M. Schweitzer, je souhaite que ça puisse durer. Nous voulons valoriser tout ce qui est fait positivement, nous incitons nos agriculteurs à ouvrir leurs portes et leurs fenêtres, et à communiquer sur ce qu’ils font. Dans les dîners en ville, ces sujets sont parfois compliqués mais il faut que nous les abordions. Comme l’a très bien dit Elsa Delanoue, les controverses consistaient à convaincre l’autre par influence avec ses arguments : à nous d’essayer de convaincre, non pas sur des images trash et choc mais par notre amour des animaux, notre professionnalisme, notre souci du détail, notre sens du progrès et surtout le fait que nous sommes vraiment à l’écoute et que nous sommes en mouvement. Moi j’ai confiance, au regard de tout ce qui est fait en élevage, sur notre capacité à répondre s’il y a cette écoute-là. Sur l’étiquetage, nous avons vu ensemble M. Schweitzer et M. Guyomard, que cela était très compliqué dans certaines espèces. Prenons donc le temps et ne faisons pas n’importe quoi.

Merci de votre écoute.

Lire les autres interventions :

ACTUALITÉS