Table ronde : Aider les agriculteurs à améliorer le bien-être animal : voies législative et réglementaire (2020)

Table ronde dans le cadre du colloque « Le bien-être animal et l’avenir de l’élevage » organisé par la LFDA le 22 octobre 2020 au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne. Par Louis Schweitzer, président de la LFDA, en compagnie de Muriel Falaise, maître de conférences en droit privé à l’université Lyon 3 et spécialiste du droit animal, Loïc Dombreval, président du groupe d’étude sur la condition animale à l’Assemblée nationale, et Younous Omarjee, député européen et membre de l’intergroupe sur le bien-être et la conservation des animaux.

 


© Michel Pourny
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Louis Schweitzer

Nous allons commencer notre séance de l’après-midi avec une première table ronde qui traite des voies législatives et réglementaires. Pour traiter de ces voies législatives et réglementaires nous avons une juriste, Muriel Falaise, qui est maître de conférences en droit privé à l’université Lyon 3 et spécialiste du droit animal. Par ailleurs, elle est aussi secrétaire générale de la LFDA. Nous avons aussi deux députés : Loïc Dombreval, qui est président du groupe d’étude sur la condition animale à l’Assemblée nationale, et Younous Omarjee, qui est député européen et membre de l’intergroupe sur le bien-être et la conservation des animaux. Chacun va faire un exposé qui devra tenir en un tout petit peu moins de dix minutes, et après nous enchaînerons avec la table ronde sur l’étiquetage, qui sera animée par Laurence Parisot. Je donne la parole à Muriel.

Muriel Falaise

Aujourd’hui, quels que soient les vecteurs de l’information, nous ne pouvons plus ignorer que certains animaux vivent et meurent dans des conditions que l’on peut qualifier d’indignes. Il devient donc urgent de modifier la réglementation afin que chaque animal puisse être placé dans une situation favorable à son bien-être tout au long de son existence. Le rôle du législateur est essentiel pour faire évoluer les conditions de vie des animaux d’élevage. S’il convient de renforcer l’encadrement normatif, ces modifications doivent s’inscrire dans une œuvre collective d’évolution des pratiques pour emporter l’adhésion de l’ensemble des acteurs tant il est évident que le bien-être animal et l’avenir de l’élevage sont interdépendants, voir même que le bien-être animal est l’avenir de l’élevage.

Une première étape consiste à appréhender et s’approprier la notion de bien-être animal. C’est un concept complexe tant pour les éleveurs, pour les citoyens que pour le législateur compte-tenu du fait que chaque animal est un individu particulier, qui a donc un ressenti personnel de ses conditions de vie. Or, s’il est facilement compréhensible que deux individus d’espèces différentes puissent avoir un niveau de bien-être différent, il est moins aisé d’identifier que le niveau de bien-être varie entre les individus d’une même espèce en fonction de leur tempérament voir de leur personnalité. En effet, si certains animaux se révèlent curieux, sociables d’autres peuvent être peureux voir agressifs et cet ensemble de caractéristiques a des incidences sur le ressenti émotionnel de chaque individu et par la même sur son niveau de bien-être. En outre, il nous faut prendre en compte que les émotions positives et négatives que ressentent les animaux d’élevage dépendent très largement du cadre de vie que nous leur offrons.

Si la fonction première du droit est de fixer un cadre en adoptant les règles générales applicables, il lui appartient également de l’adapter en transcrivant les évolutions de la société dans l’arsenal législatif et réglementaire. En d’autres termes, il convient d’élaborer de nouvelles règles en matière d’élevage en intégrant d’une part les découvertes scientifiques en matière de douleur et souffrance animales ainsi que les connaissances récentes sur la conscience animale et d’autre part les dimensions éthiques. À ce stade on ne peut que constater et déplorer que le droit avance beaucoup plus lentement que la science. Alors certes, le législateur s’est quelque peu éveillé en 2015, en inscrivant dans le code civil donc dans le droit commun que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité avec l’adoption du nouveau et fameux article 515-14 mais ce premier pas doit être suivi d’autres avancées. Pour qu’un mode d’élevage plus respectueux du bien-être animal puisse se développer, il y a des leviers à actionner et les changements du modèle agricole ne peuvent pas être à la charge des seuls éleveurs. Il est impératif que ceux-ci soient accompagnés et soutenus dans cette transition par la mise en place de mesures directes ou indirectes. La première action doit se traduire par un soutien financier afin de permettre aux éleveurs de s’engager dans une transformation de leurs exploitations et de leurs pratiques. C’est notamment le cas dans la filière porcine pour laquelle faute d’aides financières les éleveurs ne pourront pas supporter le coût d’une modification de leur structure pour offrir un accès à l’air libre et une litière à chaque individu.

Ce soutien aux éleveurs doit également passer par le vecteur de la formation. Ainsi les programmes pédagogiques dans les formations conduisant à l’obtention d’un diplôme ou d’une certification peuvent facilement évoluer en vue de renforcer le socle des connaissances et des compétences en bien-être animal. Si ce premier volet en matière de formation n’engendre pas de difficulté particulière, il apparait moins aisé d’assurer la formation des éleveurs lorsque ceux-ci sont déjà en activité. A l’heure actuelle on constate que le nombre d’éleveurs qui suivent des formations est relativement faible et ces formations présentent deux inconvénients majeurs : leur coût et la nécessité du remplacement de l’éleveur sur son installation pendant la durée de la formation. En outre, un état des lieux de la formation permet de constater que si de nombreux organismes proposent des formations, avec des formats et des coûts assez variables, très peu sont exclusivement consacrées au bien-être animal. Il est donc impératif de faire évoluer l’offre de formation pour permettre aux éleveurs en activité un maintien de leurs compétences, mais également l’acquisition de nouvelles compétences et connaissances. Le métier de l’éleveur évolue sur le plan technologique mais également réglementaire avec de nombreuses dispositions d’origine nationale et européenne. Il importe de leur donner la possibilité d’avoir accès à cette connaissance-là.

Puisque le changement du mode d’élevage doit s’inscrire dans un projet de société, il faut fédérer autour du concept de bien-être animal. Pour fédérer, il faut informer : on informe les citoyens, on informe la jeunesse. Il est temps que l’éducation nationale offre un lieu de réflexion pour les plus jeunes sur ces questions éthiques.  Cette nécessité de formation doit nécessairement se poursuivre dans l’enseignement supérieur par la reconnaissance et l’enseignement du droit animalier sans être limité à des diplômes d’établissement ou diplômes universitaires ou être dilué au sein de quelques unités d’enseignement. L’enseignement supérieur doit laisser le droit animalier émerger en tant que nouvelle branche du droit, laquelle commence d’ailleurs à acquérir quelques lettres de noblesse. Cette matière se trouve confrontée aux mêmes difficultés qu’a pu rencontrer en son temps le droit de l’environnement, pour lequel plusieurs décennies ont été nécessaires à sa reconnaissance. Le droit animalier est fondamental puisqu’il permet de regrouper dans un ensemble cohérent d’une part les règles relatives aux animaux et d’autre part, celles qui gouvernent les relations et l’utilisation que les hommes font des animaux.

Le dernier axe important consiste à reconnaitre le concept de bien-être animal au sein d’une norme. En Europe, certains Etats l’ont intégré dans leur norme suprême à l’instar des constitutions allemande, luxembourgeoise et suisse alors que d’autres l’ont intégré dans la législation. Ce changement de paradigme sur la place et le traitement que nos sociétés réservent aux animaux notamment d’élevage est un mouvement qui s’étend à l’échelle mondiale. La France devrait saisir l’opportunité de marquer l’histoire de la protection animale mondiale en faisant de son mandat de présidence de l’Union européenne, lors du premier semestre 2022, un moment clé pour initier la transformation de la législation européenne en matière de bien-être animal.

Louis Schweitzer 

Muriel a fait une parfaite introduction aux propos de Loïc Dombreval et de Younous Omarjee. Je donne la parole d’abord à Loïc Dombreval.

Loïc Dombreval 

Merci Monsieur le Président, cher Louis, Madame la Vice-présidente, chère Laurence. Une fois de plus, je tiens à féliciter la LFDA pour la qualité des interventions et la hauteur de vue dont vous faîtes preuve, à chaque fois que vous évoquez les questions de bien-être animal et condition animale.

Tout d’abord, mon propos sera un propos d’humilité. Car si je n’en suis pas directement responsable, de même que mes collègues présents dans cette assemblée, ce sont bien les politiques qui ont initialement poussé les éleveurs vers l’intensification de leurs pratiques : produire plus pour moins cher.

Puis, ce sont également les politiques qui ont aidé ces mêmes éleveurs à construire des bâtiments qu’ils ont dorénavant du mal à rembourser. Et ce sont enfin ces mêmes politiques qui font que certains éleveurs sont aujourd’hui tiraillés entre la terre et le caillebotis ou entre le plein air et l’air recyclé.

Mon propos se divisera donc en deux exemples très concrets d’ordre législatif puis règlementaire.

Au préalable, je souhaite insister sur la notion d’accompagnement qui est au cœur de nos débats sur le bien-être animal et la condition animale. En effet, il ne peut y avoir d’amélioration de la condition animale en France, sans transition et sans accompagnement de nos acteurs par les politiques.

Premier exemple d’ordre législatif : la vidéosurveillance dans les abattoirs.

Lors des débats en séance pour le projet de loi Egalim de 2018, plusieurs amendements ont été déposés à ce sujet, dont un amendement « de replis » de ma part qui visait à proposer que cette vidéosurveillance soit une expérimentation, réalisée à la demande d’abattoirs volontaires.

Après une heure trente de débat, mon amendement a donné lieu à une interruption de séance, lors de laquelle des députés ont fait ajouter que cette expérimentation devait se faire avec l’accord du personnel, en plus de celui de l’abattoir.

Sans cet ajout, l’amendement n’aurai pas été voté. Et même si, par la suite, mon amendement a été critiqué, raillé dans l’hémicycle, cela reste que désormais, c’est cet amendement qui a permis l’expérimentation de la vidéosurveillance qui est actuellement en cours dans six abattoirs de France.

Enfin, les modalités avec lesquelles a été mise en place cette expérimentation sont extrêmement importantes. Ces dernières précisent que la vidéosurveillance doit non pas filmer l’opérateur, dont on connaît la dureté du métier et de la tâche, mais l’animal pour s’assurer qu’il ne souffre pas.

Cette expérimentation devra donner lieu à un rapport qui sera publié au début de l’année 2021, puis au déploiement de la vidéosurveillance dans les abattoirs de France. Déploiement qui sera aidé par le plan de relance, doté sur la question des abattoirs de 125 millions d’euros. Il comportera notamment des aspects extrêmement intéressants sur l’intelligence artificielle qui permettra à la machine de voir s’il y a, lors des déplacements de l’animal et de sa saignée, des problèmes particuliers qui seront ainsi objectivés, ce qui permettra d’améliorer les pratiques dans les abattoirs.

Second exemple d’ordre réglementaire : l’interdiction du broyage à vif des poussins.

En France, cinquante millions de poussins mâles sont broyés chaque année. A ce titre, lors des débats en séance pour l’examen du projet de loi Egalim, j’ai déposé deux amendements à ce sujet : une mesure d’abolition en amendement principal, et si cela s’avère impossible ou si le vote ne le permet pas, un amendement de replis demandant un rapport visant à évaluer les dispositifs permettant d’éviter ce broyage. Les deux amendements se sont heurtés à un refus dans l’hémicycle.

Pourtant, quelques mois après, et du fait de nombreuses mobilisations privées, début 2020, le Ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a annoncé qu’en accord avec la Ministre de l’Agriculture allemande, il sera mis fin, par voie réglementaire, au broyage à vif des poussins en France. 

Cela indique très clairement que lorsqu’il y a une mobilisation du secteur privé, des fabricants, des distributeurs, des producteurs ou encore des éleveurs, cette mobilisation permet de provoquer une évolution de notre règlementation. C’est une réalité que j’admets volontiers, et je félicite cette avancée majeure qui permet aujourd’hui de sexer, au 13ème jour, des embryons quand ils commencent à peine à avoir quelques plumes, distinguant les œufs mâles des femelles et permettant ensuite une électronarcose individuelle de chacun des œufs contenant un futur poussin mâle.

Cette avancée est donc le résultat à la fois, d’un amendement d’appel dans l’hémicycle, ainsi que d’une mobilisation du secteur privé.

Nous pouvons tirer deux enseignements de ces exemples.

Premier enseignement : une réelle transition est en cours de réalisation. 

Cette transition est parfaitement visible sur la question de la vidéosurveillance dans les abattoirs. Il y a quelques années, cette idée entrainait des réticences vives, parfois violentes. Pourtant, après de nombreuses explications et une pédagogie importante, la transition s’est réalisée. L’accompagnement est l’idée clé de cette vidéosurveillance, et non le contrôle ou la sanction. Il ne peut y avoir de bien-être animal, au détriment du bien-être des hommes, deux éléments qui sont à concilier de façon absolue, sinon nous n’avancerons jamais ni sur l’un, ni sur l’autre.

Sur cet aspect de pédagogie et d’enseignement, j’ai également déposé et fait voter un amendement au projet de loi Egalim qui impose aujourd’hui une formation bien-être animal dans l’enseignement agricole. Une véritable innovation qui permet la sensibilisation, la pédagogie et la prévention pour tous les acteurs du bien-être animal en France, et en particulier, les éleveurs.

Second enseignement : l’importance du droit souple, la soft law.

Cette soft law, si chère à Monsieur le Président Schweitzer, n’est pourtant pas en faveur des députés, des sénateurs et donc du législateur car elle permet des avancées, qui sont parfois des avancées majeures, par la pression de l’opinion par les consommateurs et les acteurs économiques.

En conclusion, je voudrais insister sur deux points :

  • L’importance qu’il nous ait donné, en tant que député, de voter en cohérence et en conscience pour tous les textes ou traités qui nous sont soumis. A titre d’exemple, je me suis abstenu lors du vote sur le CETA, et si un jour le MERCOSUR arrive dans l’hémicycle, je voterai contre car ne serait-ce que sous l’angle du bien-être animal, ces traités sont catastrophiques.
  • La nécessité de mieux appliquer l’ensemble des textes que nous votons afin de leur donner une réelle force législative et juridique. Un exemple frappant qu’il faut éviter à l’avenir, le texte concernant l’interdiction des néonicotinoïdes. Une loi a été votée en ce sens en 2016, qui n’a pas été appliquée pendant quatre ans, et à laquelle une demande de dérogation a été réalisée quatre ans plus tard. Une situation absolument ubuesque.

Les politiques ont donc un rôle important à jouer dans les évolutions législatives et règlementaires relatives au bien-être animal et à la condition animale. Néanmoins, il faut que ces derniers apprennent des erreurs passées et se remettent en question pour mieux avancer dans le futur. Je vous remercie.

Louis Schweitzer 

Cela dit Loïc, vous avez commencé par un mea culpa du politique, mais vous avez poursuivi en montrant ce que pouvait faire un député engagé pour faire progresser les choses, et je m’en réjouis. Maintenant nous passons à l’Europe.

Younous Omarjee 

Monsieur le président Schweitzer, chère Laurence Parisot, je vous remercie pour votre invitation et me donner l’opportunité de partager quelques idées dans ce très bel amphithéâtre de la Sorbonne. En venant ici je me souvenais que je déambulais dans les couloirs de la Sorbonne avec les livres du doyen Jean Carbonnier. Jean Carbonnier nous a appris quelque chose, c’est que le droit, la loi, c’est toujours le reflet d’une civilisation et d’une société à un moment donné. On pourrait considérer que Jean Carbonnier a une analyse marxiste des choses. Il n’était pas du tout marxiste mais il s’intéressait beaucoup à la philosophie du droit. Lorsque l’on observe l’univers législatif concernant les animaux, je crois vraiment que c’est le reflet de notre civilisation, et de nos sociétés aujourd’hui. Parce que nous sommes une civilisation, il faut le rappeler, qui s’est retranchée du monde du vivant.

Si celle-ci s’est retranchée du monde du vivant, c’est aussi parce qu’elle a promu un modèle économique, un modèle qui veut qu’on consomme toujours plus, et qu’on exploite toujours dans les pires conditions : ce qui peut produire le meilleur rendement. Les animaux sont devenus chosifiés pour justement atteindre cet objectif-là. Lorsque nous parlons du bien-être animal et de l’élevage, nous devons immédiatement écarter peut-être des idées – ou pas d’ailleurs – qu’il n’y a pas de bien-être animal possible pour des animaux qui sont nés pour être tués. Parce que lorsqu’un animal vient au monde, personne ne peut prédire, comme pour les êtres humains, à quel moment il va mourir. Ces animaux-là, qui participent ainsi à la production, ils sont voués à mourir parce que nous l’avons décidé dès leur naissance. Alors bien sûr, il faut quand même faire en sorte qu’ils puissent vivre, autant que possible dans les meilleures conditions. Sur ce plan, la législation européenne a été à la fois en avance sur le droit national, et en même temps il y a encore beaucoup de choses à faire.

Vous indiquiez tout à l’heure qu’il était sans doute nécessaire d’inscrire dans la Constitution d’un certain nombre d’États membres cette question. Je dois rappeler qu’au niveau européen, c’est au plus haut niveau de la hiérarchie des normes, que la question du bien-être animal figure, puisqu’elle figure à l’article 13 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ce que dit cet article est très claire : « […] l’Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu’être sensibles […]. » Donc nous avons cet article 13, ainsi qu’une série de directives qui ont montré le chemin. Les directives ont été nombreuses concernant l’élevage, concernant l’abattage, concernant une série de questions. Le problème, et nous travaillons actuellement pour améliorer également la législation concernant cette question centrale, est le transport des animaux. Mais nous avons un problème considérable qui réside dans la mise en œuvre par les États membres des législations européennes, et puis lorsque les législations européennes sont insuffisantes et elles le sont souvent, rien n’interdit un État membre d’aller plus loin. C’est ainsi, que la législation européenne doit être entendue.

Cependant, les moyens de sanction de l’Union européenne pour les États qui ne respectent pas les règles minimales, sont des moyens extrêmement faibles. Il n’existe pas de police en réalité européenne, nous sommes dans un moment de crise profonde concernant l’Union européenne. Vous prenez la question des valeurs de l’État de droit, on en parle beaucoup, il n’y a là encore pas de possibilités pour l’Union européenne d’agir sur la question animale qui est une question aujourd’hui soutenue de manière massive par les citoyens européens. L’initiative citoyenne européenne concernant l’élevage des animaux en cage, fait partie des trois initiatives européennes qui ont été des plus populaires et les plus soutenue. L’Union européenne doit aujourd’hui regagner la confiance des peuples, et elle peut vraiment regagner la confiance des peuples, si elle est au rendez-vous sur la question des valeurs. Elle doit se positionner sur les questions de principes plutôt que sur des questions économiques, qui peuvent parfois divisées comme celle de la dette, ou du déficit ou là, effectivement, elle contrôle, elle surveille, elle punit. Alors ce que nous proposons comme voie pour l’avenir, c’est que l’Union européenne contrôle, surveille, punisse lorsqu’il s’agit de manquements aux règles minimales qui ont été posées concernant le bien-être animal.

On entend souvent dire également, qu’il ne faut pas avancer trop vite parce que nous sommes dans un environnement très concurrentiel, avec des États à l’extérieur de l’Union européenne, qui n’avancent pas aussi rapidement que nous. Là encore, je crois que nous ne devons pas renoncer à ce que nous sommes et à ce que l’Union européenne doit être demain. Cette question du bien-être animal, est une question civilisationnelle. Cette question du respect du bien-être animal, dit ce qu’est l’Europe. Si nous renonçons, nous, en Europe, à ces avancées, alors évidemment nous condamnons les autres peuples à devoir continuer à faire avec des gouvernements qui ne poseront pas les règles premières sur cette question. Les conséquences sont pour le monde entier, comme nous le voyons actuellement avec la crise de la Covid-19, ou peut-être dans les raisons du déclenchement de cette crise, la question animale est également au centre.

Sur la question des accords de libre-échanges, je crois que nous devons poser aujourd’hui des conditionnalités et considérer qu’il n’est pas possible de conclure des accords de libre-échange avec des États tiers qui ne respectent pas ces principes. Nous nous devons aussi de le faire concernant le respect de la biodiversité.

 Nous sommes dans une semaine qui a été une semaine très animée au Parlement européen, puisque nous avons débattu de la politique agricole commune. L’Union européenne a cette qualité d’avoir un fonctionnement extrêmement complexe et je crois que personne ne comprendrait rien à ce qui s’est passé. Mais je veux insister sur deux points : le premier point, c’est que dans le vote qu’il y a eu au Parlement européen, nous n’avons pas obtenu que soit posée une conditionnalité concernant le bien-être animal. Nous avons été très actifs au sein de notre intergroupe pour essayer de faire adopter cette disposition. Malheureusement, nous avons été battus en séance plénière, cela montre les résistances aussi qu’il y a devant nous.

En revanche, et j’en terminerai là Monsieur le Président, nous avons obtenu un vote qui est je crois important concernant le découplage des aides sur la tauromachie. Donc là, il y a quelque chose d’intéressant.

Pour finir définitivement, je vais vous faire une confidence, lorsque nous avons obtenu l’interdiction de la pêche électrique en Europe, nous avions avancé une série d’arguments, beaucoup d’arguments contre, beaucoup d’arguments sociaux, beaucoup d’arguments économiques, mais en réalité c’est l’argument sur la souffrance animale des poissons qui a permis d’emporter une majorité. Parce que vous savez, c’est la colonne vertébrale des poissons qui est brisée et qui fait que cette pêche électrique peut se faire. Cette pêche électrique a profondément choqué beaucoup de députés européens qui la découvraient à ce moment du débat. C’est la conscience du caractère barbare de ces pêches qui a permis d’emporter le vote.

Ce qui se passe dans la société, se passe aussi au sein du monde politique aujourd’hui chez le législateur, et sur cette conviction que le bien-être animal est aujourd’hui intégrée au corps des valeurs civilisationnelles qui sont les nôtres, en Europe. C’est là-dessus, je crois, que nous devons appuyer pour obtenir les principales avancées législatives que nous attendons, et nous en attendons beaucoup. Notamment, je n’ai pas eu le temps de rentrer dans les détails malheureusement, concernant la question des transports des animaux. Merci.

Louis Schweitzer 

Alors je voudrais juste poser une question, la même à chaque intervenant et bien sûr c’est Muriel qui va commencer, donc ça va donner un peu plus de temps de réflexion aux autres. Un article, un seul article que vous souhaiteriez voir adopter dans le corpus législatif français ou européen ?

Muriel Falaise 

Un seul article avec différents alinéas ?

Louis Schweitzer 

Une chose.

Muriel Falaise 

Il est fondamental de définir deux notions :  l’animal et le bien-être animal. En effet, comment peut-on imaginer que l’on puisse effectuer des contrôles, que les dispositions législatives et réglementaires soient appliquées si les intervenants notamment les magistrats ne peuvent pas identifier de quoi il s’agit. De plus il convient de lever une incohérence : l’article 515-14 du code civil, qui constitue donc le droit commun, n’est à ce jour pas appliqué à l’égard des animaux sauvages qui ne sont donc toujours pas considérés comme des êtres vivants doués de sensibilité.

Loïc Dombreval

S’il devait y avoir un article à rédiger ou à modifier, ce serait celui concernant le statut de l’animal. L’animal n’est ni une chose, ni un humain et il mérite donc un statut particulier. Car actuellement, l’animal étant une chose, l’animal sauvage est qualifié de res nullius car il n’appartient à personne. A ce titre, la loi n’interdit donc pas qu’on puisse lui faire subir les pires traitements, ce qui est une aberration.

Louis Schweitzer 

Je me réjouis que vous rejoigniez Muriel.

Younous Omarjee 

Je rejoins également, évidemment, mais peut-être une proposition pour le Président de la République, pour la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022, c’est de proposer d’étendre le champ des compétences de la Cour européenne des droits de l’Homme.  Je crois qu’il est peut-être possible, en tout cas il serait bien que les juristes y travaillent à ce qu’on étende à la Cour européenne des droits de l’Homme et de la Nature ou des Animaux. En tout cas voilà quelque chose qui pourrait encore plus renforcer sur le plan normatif et puis dans les indications qu’on souhaiterait.

Louis Schweitzer 

Je remercie les membres de la table ronde. Je m’excuse auprès d’eux de les avoir un tout petit peu bousculé, mais l’après-midi a commencé un peu tard. Ce n’est pas la responsabilité des membres de la table ronde et comme elle finit à l’heure prévue les contraintes sont celles-là. Je vous remercie. Je reste sur scène mais je vais être modérée par Laurence Parisot pour la table ronde suivante. 

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